Combien y a-t-il de sexes ? « Deux ! », répond l’opinion. « Deux ! », répond la science. Heureuse concordance : c’est donc que l’opinion a raison, conclura-t-on. Mais est-on si certain que l’opinion et la science disent, sur la question du sexe, la même chose ? Quand l’opinion affirme qu’il y a deux sexes, elle soutient qu’il existe, dans chaque espèce, deux types d’individus et seulement deux. Il y aurait alors le masculin et le féminin comme il y a le Soleil et la Lune ou Mars et Vénus. Mais quand la science avance qu’il y a deux sexes, que vise-t-elle ? Quelle est, pour un biologiste, la signification des termes « mâle » et « femelle » ? En tentant de compter les sexes, on doit bientôt se risquer à distinguer le normal du pathologique. Offrant un riche panorama des connaissances biologiques sur le sexe, Thierry Hoquet barre la route à toute récupération hâtive visant à transposer aux humains ce que l’on pense savoir de la « nature ». Croisant des outils empruntés à l’épistémologie, à l’histoire des sciences et au féminisme, cet essai brise le cercle des questions : le genre précède-t-il le sexe, ou le sexe précède-t-il le genre ?
Auteurice.s:
Thierry Hoquet
Commentaire
Naturalisme : En philosophie, le naturalisme est la conception d'après laquelle tout ce qui existe peut être expliqué par des causes ou des principes naturels. Écartant toute forme de transcendance, le naturalisme conçoit l'activité philosophique dans le prolongement de l'activité scientifique.
Constructivisme : Le constructivisme en épistémologie est une théorie de la connaissance qui repose sur l'idée que notre image de la réalité, ou les notions structurant cette image, sont le produit de l'esprit humain en interaction avec cette réalité, et non le reflet exact de la réalité elle-même.
Réalisme : En philosophie, le réalisme désigne la position qui affirme l’existence d’une réalité extérieure indépendante de notre esprit. Le réalisme affirme à la fois l’existence et l’indépendance du monde. L’existence signifie qu’il y a un monde extérieur au sujet, et l’indépendance, que ce monde n’a pas besoin d’être relié à un sujet pour exister. Le réalisme affirme que le monde est une chose et que nos représentations en sont une autre.
Positivisme : Le positivisme scientifique d'Auguste Comte s'en tient donc aux relations entre les phénomènes et ne cherche pas à connaître leur nature intrinsèque : il met l'accent sur les lois scientifiques et refuse la recherche des causes premières.
I.L’alternaturalisme
Hoquet commence par rappeler le débat naturalisme/constructivisme et se demande si l’un est forcément l’opposé de l’autre. En effet, suit-il nécessairement qu’une vision voyant dans la réalité des faits naturels soit forcément opposée à une autre voyant la réalité comme construite par l’humain. Doit-on forcément être pour l’un ou l’autre ou n’y-a-t-il pas un moyen de sortir de ce débat stérile puisque restant cadré dans une même matrice ?
Selon Hoquet, le rejet du naturalisme en science humaine provient entre autre d’une mauvaise compréhension des sciences de la vie comme formant un bloc, tout en oubliant que science de la vie et humaines se sont toute deux échangées des idées de tout temps.
Mais plus que cela, l’antinaturalisme, donc un certain constructivisme, semble s’être imposé à notre époque. N-C Mathieu, reprenant Marx, énonçait que « le sexe qui parait au premier coup d’œil quelque chose de trivial et qui se comprends de soi-même » est en fait « une chose très complexe, pleine de subtilité métaphysique […] », argumentant sur la fétichisation de se dernier que nous constituons en réalité objective, là où nous le produisons en fait. Plus qu’insasissable, la réalité biologique serait donc créer par l’humain. Et bien qu’important dans son rôle de démasquage, on semble être passé d’un extrême à un autre, et il faut se demander s’il n’y aurait pas une sorte de milieu ; une fusion. Ce milieu, c’est l’aternaturalisme, une vision qui fait une utilisation critique du naturalisme. Loin de voir la nature comme normative ou même préscriptive, il ne s’agit pas non plus de nier des phénomènes vitaux. Il s’agit de tenter un « anti-essentialisme qui ne soit pas anti-réalisme ». En effet, le sexe est souvent vu comme une caractéristique universelle valable partout et qu’ainsi il y en aurait des essences ; ce qui ne semble pas être le cas.
II.Du sexe au genre, et retour ?
A une vision sex/genre fusioné, le genre fut travaillé sous plusieurs angles (antropologique, médical) pour en montrer sa non-naturalité. Mais même une fois séparés, le sexe sembla être toujours plus naturel, universel, et s’intérrogant d’avantage sur le genre, on s’en éloigna. Sous cette conception du genre comme comportement variable, comme d’une « interprétation variable du sexe » à la suite de Butler, il fut alors impossible de critiquer des discours essentialistes comme la psycologie evolutioniste. En effet, séparés, les deux n’était pas pour autant remise en cause du binarisme.
Vint alors le poststructuralisme qui permis une remise en cause de ce sexe comme fondement. Cela permis de voir le sexe selon Delphy, Butler ou Laqueur comme quelque chose d’inaccessible, toujours empreint de relations de pouvoir, et donc de non-naturel. Mais cette vision à le défaut qu’elle se centre sur l’humain, puisque c’est ellui dont il est question, en oubliant qu’il existe d’autres espèces que l’humain dans le monde. Dès lors l’implication-rejet Homme/Femme => Mâle/Femelle serait faux.
Pour « revenir au centre » en quelque sorte, il s’agit alors d’accepter la réalité du sexe en affirmant que s’il existe, il a toujours existé, même avant que l’humain soit apparu, et donc, qu’il ne dépends pas de nous. Ce n’est pas à dire que de tels énoncés ne soient pas modifiables, mais alors seront remplaçable par équivalent, autant ancestral. Outre la position qu’il nomme circonscriptionniste et affirmant que le sexe est toujours relative au genre et qu’ainsi la « science du sexe » ne dit rien de contraignant, Hoquet nous rappel que les humains, viendraient-iels à disparaitre, qu’il y aurait toujours du sexe, bien qu’il n’y ait plus de genre. Il y aura toujours des échanges de gamètes et que partant, il y aura toujours des individu.es que l’on pourra nommer mâle, femelle, ou même hermaphrodite, quand bien même ces derniers ne soient pas humain.
En conclusion, il s’agit de passer de « tout nature » => « nature/culture » => « tout culture » => « fusion nature/culture » sans pour autant retomber dans la 2e étape du développement. « Autrement dit, prendre le sexe au sérieux nous oblige à penser un fonds commun à l’humanité et aux autres espèces animales […] sans pour autant calquer sur l’humanité ce que l’on apprends du sexe dans la nature ni projeter sur la nature ce que l’on croit savoir du sexe des humains ».
III.Que la femme n’est pas femelle de l’espèce
Pour reprendre Butler, il s’agit donc maintenant de repenser « le sujet du feminisme », et selon Hoquet : « Qui sont les femmes ». Très tôt dans l’histoire du féminisme, un certain antinaturalisme à permis de défaire l’idée de la biologie comme destin. Et alors que les premières féministes [lesquels ?] se sont attachées à prendre la différence sexuelle comme tel et à tenter de la rendre moins injuste, les théoriciennes suivantes ont montré qu’il fallait aller encore plus loin, elle a une histoire. Hoquet revient ensuite sur certaines théoriciennes feministe pour en analyser leur points forts et leurs manquements.
L’historicité de la différence sexuelle fut traiter entre autre chose par De Beauvoir et Wittig, bien que les deux théoriciennes soient en désaccord sur la naturalité du sexe. Butler d’ailleurs rejoint ici Wittig là où cette dernière laisse De Beauvoir en appuyant sur la construction discursive des corps et en montrant à quels points des phnomènes comme la division du travail sexuel n’ont pas besoin de prendre en compte la nature pour être réglé en société. Mais c’est là aussi son poit faible, elle nous laisse sans voix pour parler du biologique. Firestone quant à elle va dans le sens opposé et se concentre sur les corps pour s’en libérer, et plus particulièrement la reproduction qu’elle voit comme devant s’extraire des corps par la technologie, point qui lui fut reprocher en tant que se sont les hommes qui en ont la main mise. Enfin Haraway propose de reflechir de manière plus large en parlant en terme d’oppression. Etre féminisé, c’est etre exploité.
Mais parlez de biologie que l’on est pas forcément avancé. En effet, cette dernière peut être soumise à deux biais que sont l’androcentrisme et l’hétérosexisme ; points qui permettent de mettre en avant une certaine bicatégorisation. Face à cela un « sexe-corrélasionisme » est apparu qui à dénoncé la biologie ainsi biaisée comme d’un dispositif politique et non naturel. Il y aurait là potentiellement un trop grand pas en avant. La biologie patriarcale usant de la bicatégorisation, et denonçant la biologie patriarcal, on en serait venu par là même à dénoncer la bicatégorisation. Mais ce n’est pas à dire qu’il ne pourrait y avoir de bicatégorisation dans l’espèce humaine, et pour faire le lien, cela pourrait être le cas de l’archisexe. Hoquet se propose alors d’étudier la question du sexe comme d’un spectre.
IV.De quoi parle-t-on quand on parle de sexe ?
Avant de pouvoir s’avoir combien de sexe l’espèce humaine contient-elle, encore faut-il savoir ce que l’on entends par sexe.
Il est d’abord à remarquer que les dictionnaires, donc le sens lexiocographe, n’aide pas. Les six définitions proposées par le Robert sont plutôt ambivalentes. Le sens 1 nous indique que nous « sommes » un sexe (conformation et rôle), alors que le sens 6 nous dit que nous en « avons » un (génitoire). Il y a là un glissement qui s’opère et que l’on remarque bien avec les personnes androgynes que l’on suppose ayant les deux sexes alors qu’il s’agit d’une personne ayant des caractéristiques mixtes.
Face à cette vision plutôt sociale, de surface, intéressons nous maintenant à une version plus biologique. Typiquement, le sexe en tant que biologie est séparé en dix niveaux causaux (génétique, gonadique, gamétique, gonophorique interne/externe, hormonal, phénotypique, légal, psychique et libidinal) et ainsi, l’observation d’un niveau est censée, retrospectivement entrainé les autres. Dès lors, toute perturbation n’est vu que comme anomalie. Mais, faut-il rappeler que ces caractéristiques jouent un rôle dans les phases de développement (fécondation, intra-uterine, naissance, puberté) à différents niveaux et pas de manière ordonné.
Mais cela dit, que l’on prenne le sexe comme « génération » ou comme ensemble de caractérisiques, peut-on etendre cela à l’ensemble du vivant ? D’une manière plus large on peut entendre par sexe un mélange d’ADN de différentes sources, ou alors des variations autour des gametes, et que dans ce sens, seulement deux sexes existent. D’autres sens évoquent les gonades qui les produisent. Une définition semblerait d’espèce s’esquisser ici : Une communauté reproductive échangeant des gènes portés par une population d’individu.es présentant différents « sexes », c’est-à-dire produisant différentes gamètes. Or, il n’est pas évident que de là on puisse définir quoique ce soit de plus. Mais cela se complique avec les fleurs qui, bien qu’elles puissent être hermaphordites, ont une distinction de plus, l’hétérostylie, qui leur évite l’auto-fécondation et garanti donc la binarité à minima.
On voit donc deux grandes définitions, celles mettant en jeu le processus, et celle parlant de caractéristiques. La question du nombre doit donc être précisé par celle de la nature du mot. Il y a bien une notion de type ne s’auto-fécondant pas, mais cela concerne à priori les plantes, et de façon vague, lorsqu’elle est sexuée, la reproduction fait souvent intervenir deux gamètes.
V.Qu’est-ce qui détermine le sexe ?
On généralise bien cette différence gamétique de l’humain à toute la nature, mais il semblerait que cela soit trop attif. Si l’on définit le sexe via les gamètes, toujours est-il qu’il faut s’interesser à la composante génétique.
Dans ce cadre, il semblerait que les chromosomes soient déterminant de l’espèce de par leur nombre et leur nature, l’exemple de la drosophile nous mettant encore plus sur la voie d’un dimorphisme stricte. Or, une telle généralisation est trop attive. Par exemple, certains vers de terre se distinguent par l’environnement et les oiseaux ont un modèle inverse en général. Il y a donc une grande variétés de « cas chromosomiques » dont certains ne determinent pas du tout le sexe de l’individu compris comme paysage chromosomique à la fécondation ; à l’image de certaines larves commencant leur vies avec 3X et en perdant 1 ou 2, créant ainsi leur sexe. De plus, un strict binarisme environnement / nature serait à éviter en ce que les deux peuvent se rejoindre.
VI.Du genre animal
S’étant donc interesser au sexe, et pouvant maintenant affirmer que les gamètes puisse remplir ce rôle, encore faut-il mettre à mal l’idée que ce dernier serait destin ; « Mâle avide et Femelle rétive ». Ici, plusieurs arguments peuvent être mis en avant :
a.Non-humain = !> Humain
b.Animal = {Sexe} / Humain = {Sexe, Genre} est faux
c.Certaines espèces non-humaines ont des comportements diamétralement opposés
Pour reprendre Rougharden dans son livre l’arc-en-ciel de l’évolution, les deux seuls affirmations possibles sont :
-La plupart des espèces se reproduisent sexuellement
-Ces dernières sont en majorité anisogame
Aller plus loin est dès lors impossible et inutile et le genre serait alors un moyen de présentation. Toute les généralisations de types « les mâles sont en moyennes plus XXX que les femelles » est donc à bannir (mâle qui féconde chez l’hippocampe rien que ça). On est avancé.es mais pas tout à fait non plus. Car détruire une généralité ne détruit pas un cas particulier. Pour l’espèce humaine donc, quoi ? L’écologie comportementale nous indique ici qu’il n’y a pas une configuration determinée pour chaque espèce et que celle-ci peut varier selon plusieurs critères.
I.Vers une callipédie universelle
Il y a chez les humains une obsession de connaissance du sexe de l’enfant et se dernier participe du genre à partir du moment où il est connu par nombre de rituels culturels, une machine sociale, elle-même variable selon les époques et les lieux. Et cette obsession peut rencontrer des obstacles, c’est-à-dire : les personnes intersexes. Deux questions s’ouvrent alors, que l’on pourrait résumer dans « la question patologico-statistique ». Divers débats animèrent la société : savoir si l’individu était une table rase, constructivisme total, ou bien si les hormones jouaient dans les tendances ; un certain biologisme ; ou encore de savoir le nombre de sexes qu’il y avait. Mais tout cela dans un seul et unique but, conserver une société hétérosexuelle et donc binaire et causale.
II.Diversité intersexuelle
Après avoir rappeler nombres des caractérisitiques des personnes intersexe, Hoquet s’avance un peu plus sur la question statistique et en évoque son caractère équivoque. Les différentes études se contredisent et l’on pourrait même se demander de la pertinance de cette question même.
III.Le nouveau normal
Dans ce chapitre, Hoquet discute d’auteurices tels que Canguillhem et Dorlin en ce qui concerne les differentes facettes du mot normal. Différence entre anomal et anormal, et caractère politique de la norme qui vient s’appliquer sur un corps à son encontre. Et cet aspect politique est aussi visible dans notre etonnement. Ici la notion d’infirmité nous est utile. Un.e infirme est quelqu’un vu comme étant limité, comme souffrant de sa condition (ce qui n’est pas forcément le cas, dixit Canguillhem). Dès lors, la norme que violerait les personnes intersexe, serait une norme de « firmité ». On serait choqué.e par le défaut à l’humain dit complet. Il y a eu aussi récemment un essors des « disabilities studies » qui nous ont permises de faire un recentrage non plus sur lindividu, mais sur la société, le veçu. Qu’importe la fréquence si l’individu n’a pas de soucis avec son corps, s’y adapte.
IV.Comment aracher la biologie au positivisme
La biologie se trouvant à l’intersection entre réel et rationalisme, il y a là matière à divaguer épistémologiquement. On peut se penser positiviste ou au contraire idéaliste. Pour sortir de ce problème Hoquet propose de retracer les divers conceptions du sexe universle selon une échelle à cinq niveaux épistémologiques :
-Animisme : On voit, on croit. Appliqué au sexe, c’est la croyance en un eternel, une essence et par la une binarité. Niveau qui est « bloquage de connaissance » qui pour nier le visible. Mais il ne resiste pas à la critique : pourquoi ?
-Empirisme : On part de la conclusion pour aller vers la cause. Il y a reproduction, donc il y a deux sexes.
-Positivisme : Le sexe devient un corps de notions et non plus un tout uni. Il y a différentes caractéristiques dont toutes « font » le sexe. La recherche en profondeur s’avère infructueuse. De plus, contre un « tout est réel » on affirme que les diverses caractéristiques le sont à différents niveaux.
-Rationnalisme : De cette réalité feuillté, le rationnalisme veut extraire une substance, une caractéristique fondamentale, quelle qu’elle soit qui n’en est pas moins universelle cependant.
-Sur-rationnalisme : se remettre en question quand cela est nécessaire, accepter l’idée que la science a déjà faite défaut.
I.Adieu la dichotomie
En fait, osef de la biologie. Tout ce qui compte c’est la société et comment on est perçu.es. Et en fait, on se pose les mauvaises questions. Nous sommes 100% naturel.les ET culturel.les et il n’y a pas à s’interroger sur si on est plus l’un ou l’autre, voir exclusivement l’un ou l’autre.