L'auteur nous invite à réfléchir aux rapports d'exploitation et de domination, à la lumière des bouleversements introduits à l'issue du Moyen Âge. Un monde nouveau naissait, privatisant les biens autrefois collectifs, transformant les rapports de travail et les relations de genre. Ce nouveau monde, où des millions d'esclaves ont posé les fondations du capitalisme moderne, est aussi le résultat d'un asservissement systématique des femmes. Par la chasse aux sorcières et l'esclavage, la transition vers le capitalisme faisait de la modernité une affaire de discipline. Discipline des corps féminins dévolus à la reproduction, consumés sur les bûchers comme autant de signaux terrifiants, torturés pour laisser voir leur mécanique intime, anéantis socialement. Discipline des corps d'esclaves, servis à la machine sociale dans un formidable mouvement d'accaparement des ressources du Nouveau Monde pour la fortune de l'ancien.
Auteurice.s:
Silvia Frederici
Commentaire
Je vais pas spécialement m'attarder à résumer tant que ça le livre au vu des critiques que j'ai a en faire; mais ce résumé de wikipédia est bien je trouve,
Dans cet ouvrage, elle remet en cause l’affirmation de Marx selon laquelle l’accumulation primitive serait le précurseur nécessaire du capitalisme. Elle fait au contraire valoir que l’accumulation primitive est une caractéristique fondamentale du capitalisme lui-même : le capitalisme, afin de se perpétuer, nécessite un apport permanent de capital exproprié.
Silvia Federici rattache cette expropriation au travail non payé des femmes, dans le cadre de la reproduction, de la reproduction de la force de travail. Elle montre que son apparition est un préalable historique à l’essor d’une économie capitaliste reposant sur le travail salarié. Dans ce cadre, elle souligne la lutte historique sur les communaux et pour le communalisme. Au lieu de comprendre le capitalisme comme une victoire sur un féodalisme vaincu, Federici analyse son ascension comme une contre-révolution face à la vague croissante de communalisme, s’employant à maintenir la structure sociale.
Au centre de l’asservissement méthodique des femmes et de l’appropriation de leur travail se trouve, selon elle, l’institutionnalisation du viol et de la prostitution, ainsi que les procès des hérétiques et les chasses aux sorcières, les bûchers, et la torture. Ces processus sont mis en parallèle avec l’esclavage et le massacre des populations indigènes du continent américain.
- Wikipédia
Elle commence par faire un état des lieux du monde féodale dans la première partie de son oeuvre tout en soulignant le caractère communale de cette époque. Puis, elle développe comment une crise de la démographie aurait été le précurseur de cette chasse au sorcière. En effet, craignant une baisse drastique de la natalité, il aurait fallu "reguler" le corps des femmes pour empêcher cette baisse. Elle compare d'ailleurs les phénomènes d'enclosure en Angleterres (expropriation, privatisation des terres) à la situation des femmes, en disant que les hommes réalisèrent une enclosure des corps :
En conséquence, l'encolsure physique qu'oppérait la privatisation des terres [...] fut redoublée par un processus d'enclosure sociale, la reproduction des travailleurs passant par l'openfield au foyer, de la communauté à la famille, de l'espace public (les communaux, l'Eglise) au privé. (P145)
Il s’agit également d’une stratégie d’enclosure qui, suivant les contextes, pouvait être une enclosure de la terre, du corps, ou des relations sociales. (p. 382).
Chasse aux sorcière qu'elle développe dans la dernière partie de son ouvrage et qu'elle met en relation avec l'Amerique; ce qui lui permet de dire que la chasse aux sorcière, bien qu'existant avant la colonisation, fut raviver à cause de celle-ci. Effectivement, les idées de femmes copulant avec le diable etc. on été importées, renforcer et retourner en Europe, ammenant à une intensification de ce phénomène. On l'aura compris à ma difficulté à résumer, c'est plutôt dur pour moi d'arriver à comprendre ce livre. J'en comprends plus ou moins les idées larges, mais j'ai du mal à m'en faire une idée précise. Cependant, je tiens tout de même à le critiquer. Car en effet, et je suis rassurée de l’apprendre, mes critiques à la lecture de ce livre ne sont pas que les miennes, bien qu'elles soient bien plus approfondies que ce que j'ai pu formulée moi-même au travers de notes. Je noterais plusieurs points qui m'ont dérangés à la lecture et que l'on peut retrouver plus en détail dans cet article :
•Idélisation d'un certain passé (I)
•Manque de sources (II)
•Anachronisme (III)
I. Idéalisation
Cette critique peut se développer en réalité en deux temps. Dans une premier temps l'idéalisation de la société féodale, et dans un second temps, l'élévation du matriarcat.
Il me semble que Frederici idéalise la société féodale, ou le fait de sorte à faire une séparation forte avec les sociétés plus "modernes". Dans toute sa première partie, il ressort, je trouve, une vibe selon laquelle " tout était beau au féodalisme pour les femmes " puisque
Ce réseau de rapports de coopérations, que R. D. Tawney a décrit comme un « communisme primitif » du village féodal, s'effondra lorsque le système d'openfield fut aboli et que les terres communales furent cloturées. (P.120)
Plus loin, elle continue
Le fait que des rapports de pouvoirs inégaux entre hommes et femmes aient existés avant même l'apparition du capitalisme [...] ne diminue en rien cette constatation [une double dépendance patron + hommes et un ordre patriarcal nouveau (j'y reviendrais)]. Dans l'Europe précapitaliste, la subordination des femmes aux hommes étaient modérée par le fait qu'ils avaient accès aux communaux, alors que dans ce nouveau régime capitaliste les femmes elles-même devenaient les communaux, dès lors que leur travail était défini comme ressource naturelle, en dehors de la sphère des rapports marchands (P.170)
Ou d'affirmer carrément que
[la révolte] commenca en juillet 1382, quand les travailleurs du textile de Florence forcèrent pour un temps la bourgeoisie à leur permettre de participer au gouvernement [...] ils proclamèrent alors ce qui était essentiellement une dictature du prolétariat [...], même si elle fut bientôt écrasée par les forces combinées de la noblesse et de la bourgeoisie. (P.85)
Mais outre cela, on pourra aussi s'interroger sur les sociétés précolombiennes dont Frederici affirme qu'aux sein de ces dernières,
Les femmes étaient en position de pouvoir. [...] Cela se reflète dans l'existence de nombreuses divinités féminines. [...] Les femmes de l'Amérique précoloniales avaient leur propres organisation, leur sphère d'activité socialement reconnue, et bien qu'elles n'étaient pas les égales des hommes, elles étaient néanmoins complémentaires dans leur contribution à la famille et à la société. (P.348)
Selon moi, tu peux pas dire que les femmes sont en position de pouvoir et juste après dire qu'elles n'étaient pas l'égales des hommes ? Et puis, je sais pas vous mais, moi, ce passage est selon moi un bon gros indice d'une vision d'un certain Matriarcat. Seul, vous pourriez douter de mon propos, mais dans une partie anterieure de son livre, elle énonce que
Ce fut l'équivalent [la chasse aux sorcière] de la défaite historique à laquelle Engels fait allusion dans L'origine de la famille et qui entraina la disparition du monde matriarcale. (P.179).
A ce sujet, bien précisement, je souhaiterais justement cité un passage de Delphy dans son Tome 2 de l'Ennemi principal, justement, et plus particulièrement, dans son article Libération des femmes ou droits corporatistes des mères? :
Pour les féministes, qui postulent un matriarcat originel, suivant les cela des antropologues du 19e [...], cette domination [masculine] pose un problème d'explication. Pour l'expliquer, elles postulent [...] un renversement du droit maternel, dans lequel elles voient, comme Engels, l'origine de la «défaite historique du sexe féminin». Mais elles paufinent la thèse d'Engels. (P.97)
Je vais pas m'amuser a recopier toute la page (parce que toute la page est pertinente), mais do you see the link yet ? Il faut savoir que c'est un consensus antropologique (semble-t-il) que les sociétés matriarcales n'ont pas existées, ou alors vraimmment peu.
II. Manque de sources
Il lui arrive par moment de manquer de rigueur imo. C'est peut-être moi, mais elle affirme à la page 298 qu'
En dépit de nombreuses tentatives individuelles des fils, des maris ou des pères pour sauver leur proches du bûcher, nous n'avons pas de récit d'organisation masculine s'opposant aux persecutions, ce qui montre que cette propagande est parvenue à séparer les femmes et les hommes. La seule exception étant [...] L'intervention de ces pécheurs [...] fut un cas unique. Pas d'autres groupes ou organisations ne se souleva en défense des sorcières.
J'ai l'impression d'être salope, mais, absence de preuve n'en est pas une, tout ça tout ça, non ?
III. Anachronisme
Mais, je crois, ce qui m'a le plus choquée, fut les nombreux anachronismes que Frederici emploie. Je suis conscient qu'elle souhaite montrer en quoi le capitalisme naissa entre autre de la chasse aux soricère et que donc elle ai recourt à ce vocabulaire; mais
Ce réseau de rapports de coopérations, que R. D. Tawney a décrit comme un « communisme primitif » du village féodal [...] (P.120)
[...] ils proclamèrent alors ce qui était essentiellement une dictature du prolétariat [...] (P.85)
C'est ce qui se passa durant les années de famine, au cours des décénnies 1540 et 50, et à nouveau durant les années 1580 et 90, qui furent parmi les pires de l'histoire du prolétariat européen [...] (P.137)
Est-ce que ça serait pas un peu essayer de forcer l’interprétation ? Surtout, lorsqu'elle énonce, un peu plus loin, en page 143 que
la répression fut peu efficace et les routes de l'Europe du XVIe (donc 1500) et et XVIIe (donc 1600) restèrent des lieux de grande agitation [...] Par dessus tout, sur les routes d'Europes circulaient les légendes, les histoires et le vécu d'un prolétariat naissant.
Alors peut-être que je suis trop dure, mais quand tu opposes dans la même periode, c'est-à-dire, 1540 - 1580 et 1500 - 1600 « dictature du prolétariat » et « prolétariat naissant », permet moi de douter de la justesse de tes propos.
Patriarcat et Capitalisme
Ca c'était pour les critiques que j'ai moi-même pu formulée et qui sont conjointes avec l'article que j'ai citée (que je n'avais d'ailleurs pas lue, et que quand j'en ai prise connaissance, certes ça à affuser mon sens critique, mais j'avais déjà par ailleurs relevée nombre d'entre-elles avant).
Mais la critique est développée en deux articles. J'ai parlée du premier, je vais maintenant parler du second. Sans parler de l'article en lui-même dans un premier temps, je vais me concentrer sur ma critique en particulier, et le fait que plus précisement, comme le dit Dorlin dans Sexe, Genre et Sexulalité :
Avec Frederici, et à l'inverse de Delphy, mode de production domestique (patriarcat) et mode de production capitaliste ne sont pas distincts; il s'agit d'un seul et même mode de production de nos conditions materielles d'existence [...] (P.64)
Et bien que Frederici ne le dise pas clairement, c'est quand même impliciter, voir à minima flou dans la citation suivante,
Comme le montre cette brève histoire des femmes et de l'accumulation primitive, la construction d'un nouvel ordre patriarcal, mettant les femmes au service de la main-d'oeuvre masculine, représenta un aspect essentiel du développement capitaliste. (P.201)
Le problème que j'ai est avec le terme nouvel ordre. Est-ce que c'est nouveau dans le sens qu’il y avait un ancien qui a été evincé, ou nouveau dans le sens qu'il n'y en avait pas avant. Selon moi, il s'agit surtout de la seconde définition qu’elle utilise. Je pense que Frederici définit le patriarcat comme exclusivement économique (ce que l'on voit dans la citation de Dorlin) et c'est la que le bas blesse, mais que ça lui permet aussi d'avancer sa thèse. Car effectivement, dire que l'apparition d'une soumission économique nait avec le capitalisme... C'est pas déconnant du tout. Cependant, le patriarcat ce n’est pas que ça, Pour reprendre Delphy dans sa définition du Patriarcat, celle-ci mentionne bien comment elle analyse la société de son époque, et elle met en garde contre une lecture du patriarcat comme anhistorique. Or, c'est... excactement ce que semble faire Frederici ici ? Elle concède bien qu'il y avait auparavant « des rapports de pouvoirs inégaux entre hommes et femmes [...] avant même l'apparition du capitalisme », mais ceux-ci étaient « modérée par le fait qu'ils avaient accès aux communaux » (Cf. I. pour la citation). Au lieu de voir un changement dans les formes du patriarcat, cette dernière semble, je trouve, balayer, ou tout du moins tenter de relativiser la présence de se dernier avant. Et j'aimerais ici invoquer une critique faite par le premier article que j'ai citée pour appuyer mon argumentation. Frederici parsème son livre d'illustrations. Or, d'après lea critique, une d'entre-elle, en particulier en ce qui nous concerne, est problématique. Il s'agit de l'illustration page 35, visionnable dans la section 2 de la première partie du premier article de critique, « La manipulation de l’iconographie » (pour des raisons techniques, je ne peux pas ajouter les images ici).
Dans cette partie du livre, et puis même c'est un thème qui revient souvent dans son livre, Fredrerici cherche à montrer qu'il y a eu un division du travail bien accrue, qu'elle - je cite l'article de nouveau - « entend démontrer l’ampleur du recul de la condition féminine lors de l’époque moderne, qui se traduit notamment par une division du travail plus genrée que précédemment. ». Ainsi, et toujours d’après la critique, « À ce moment de sa lecture, le lecteur circonspect trouve ces « maçonnes » du XVe siècle tout de même particulièrement bien habillées, et s’étonne que l’une d’elles porte même un couvre-chef aux allures royales. En l’absence d’autres précisions sur la provenance de ladite illustration (une constante tout au long du livre), il recourt alors à internet pour retrouver l’image originelle […] ». L’image originale peut être visionnée ici. Non seulement l’image fut donc coupée, mais en plus, nous apprenons grâce à wikipédia, que cette illustration provient de La cité des dames, un roman écrit par Christine de Piza, et que wikipédia décrit comme « [...] une société allégorique, où la dame est une femme dont la noblesse est celle de l'esprit plutôt que de la naissance. [...] Ce livre contient également des dialogues didactiques entre trois figures allégoriques, les déesses de la Raison, de la Droiture et de la Justice. Cette dernière demande à Christine de Pizan de construire une cité métaphorique où pourront résider les Dames. ». Il ne s'agit donc pas d'une illustration de la réalité, mais de quelque chose d'imaginaire que l'on veut faire passer pour.
Et outre tout ce que je viens d’énoncer, une dernière critique pour enfoncer le clou. D'après elle,
[...] le rôle que la chasse aux sorcières a joué dans l'évolution du monde bourgeois, et en particulier dans le développement de la discipline capitaliste de la sexualité, a été effacé de nos mémoires. Nous pouvons cependant retrouver dans ce processus l'origine de certains tabous de notre époque. Tel est le cas de l'homosexualité, qui dans beaucoup de régions d'Europe était alors complètement acceptée pendant la renaissance, mais fut éliminé pendant la chasse aux sorcières. La persecution des homosexuels fut si féroce que sa mémoire s'est sédimentée dans notre langage. Le terme anglais _faggot_ [NDT : En anglais, littéralement : fagot, mais sert principalement d'injure [...]] nous rappelle que parfois les homosexuels étaient utilisés comme petit bois pour les bûchers sur lesquels on brûlait des sorcières [... puis elle parle du terme italien] (P.311 de Caliban et la sorcière)
Pourquoi pas, sauf que selon l'article wikipédia, et bien qu'el y est un lien avec " bundle of sticks " :
There is an urban legend, called an "oft-reprinted assertion" by Douglas R. Harper, creator of the Online Etymology Dictionary, that the modern slang meaning developed from the standard meaning of faggot as "bundle of sticks for burning" with regard to burning at the stake. This is unsubstantiated; the emergence of the slang term in 20th-century American English is unrelated to historical death penalties for homosexuality.
Et que, Selon ce fameux Douglas,
The explanation that male homosexuals were called faggots because they were burned at the stake as punishment is an etymological urban legend. Burning sometimes was a punishment meted out to homosexuals in Christian Europe (on the suggestion of the Biblical fate of Sodom and Gomorrah), but in England, where parliament had made homosexuality a capital offense in 1533, hanging was the method prescribed.
Conclusion
Qu'est-ce que je retire de ce livre ? Et bien, pas grand chose. Honnêtement, j'ai l'impression d'avoir perdue mon temps. On remarquera que dans toute ma critique, j'ai pas du tout, mais alors pas du tout faite mention de la critique de la thèse de Frederici. Mais est-ce là bien utile au vu de tout ce que j'ai énoncée avant ? Je dis pas que l'idée est pas intéressante, et je trouve bien le fait d'avoir mis l'accent sur la chasse aux sorcières, mais outre ça ? En fait, il y a tellements d'éléments qui me font douter que j'en viens à discard l'ensemble du livre en fait (livre qui est gros par ailleurs). Et puis, est-ce étonnant ? Dans un billet de blog que j'avais lu précedemment quelqu'un félicitait Caliban et la sorcière, le mettant comme oeuvre far de son autrice, regrettant par là même que Par de là les frontières du corps soit si mauvais et truffé de TERFisme. Critiques que j'avais moi-même aussi remarquée. Mais, au contraire, ne faudrait-il pas y voir une continuité ? Que quelqu'un qui, par le passé, s'arrange avec les faits, le referra dans le futur ?