Importance des minorités pour faire société, émancipation des femmes, critique de la propriété privée et de la domination sous toutes ses formes – Emma Goldman, grande figure du féminisme mondial et de l’anarchisme international, nous rappelle qu’on ne doit pas transiger, jamais, avec l’égalité et la liberté. Avec elle, l’anarchisme est une éthique de vie énergique, incarnée, traversée de sentiments et d’émotions, qui épouse les contours de l’histoire au tournant du XIXe et du XXe siècle. Bien sûr, il s’agit d’un engagement politique contre la violence d’État, contre l’industrialisme esclavagiste, contre les majorités serviles, contre toutes les formes de coercition, mais l’art et la culture y sont aussi nécessaires à l’émancipation d’individu·e·s qui doivent pouvoir être libres de leurs corps, de leurs gestes et de leur parole, choisir leur travail au lieu de le subir, et être considéré·e·s non pas selon leur sexe, mais selon leur mérite. Les cinq textes publiés ici témoignent tous de la pensée vigoureuse, directe et claire de cette femme hors norme qui fut aussi une oratrice exceptionnelle, haranguant sans relâche des foules où les hommes n’étaient pas les moins nombreux.

Auteurice.s:

Emma Goldman

  • Anarchisme Féminisme AnarchoFéminisme
  • Commentaire

    1. L'anarchisme: ce dont il s'agit vraiment

    Dans cet essai, Goldman réponds - quoique, selon moi, de manière détournée - à deux questions, deux critiques, qui sont souvent adréssées à l'anarchisme : Il serait impossible, et il serait violent. Définissant l'anarchisme comme un ensemble de méthodes « dont les conditions »,  « propres à chaque lieu [et] climat », « sont très variables » (P.56-7) mais reposant toujours sur l'action directe; el s'agit d'une vision politique condamnant tout gouvernement qu'il soit « de droit divin ou de droit majoritaire » (P.46). Ainsi, les personnes proférants que l'anarchisme n'existe pas (ne fonctionne pas) et n'existera jamais se trompe puisque des mouvances anarchiques sont déjà en place. Dire que l'anarchisme ne fonctionne pas, c'est mal le connaître puisque des actes tels que les grêves, le syndicalisme ou même le suffrage universel sont tout trois des actes provenant de l'action directe.

    Ensuite, penser que l'anarchisme est violent est faire preuve d'une grande hypocrisie. Ici, Goldman prend un tournant anti-carcéral que j'apprécie beaucoup. Insistant sur le fait que « l'État est le plus grand des criminels, brisant toutes les lois écrites et naturelles » (P.51) qu'il a pu lui-même créer; justifier l'existence de l'autorité sous pretexte qu'elle serve « à diminuer la criminalité » (P.51) est méconnaître les faits. Le point de vue de Goldman sur ce sujet pourrait d'ailleurs être à rapproché de luttes comptemporaines telles que la culture du viol et refuse radicalement le présupposé de la " nature humaine ". En effet, dans une société où, « les coeurs sont entravés, blessés, mutilés [...] », comment parler justement de la " nature humaine "; comment ne pas être biaisé par un (mon interprétation) conditionnement sociétal. Selon elle, « [l]e crime n'est rien d'autre qu'une énergie mal orientée [et que tant que] les institutions actuelles [...] conspireront pour diriger l'énergie humaine vers une mauvaise direction [...] le crime sera inévitable. » (ibid.)

    2. Minorités contre Majorités

    Dans cette essai, Goldman réfute l'idée selon laquelle son époque serait celle de l'individualisme et avance plutôt que c'est celle du nombre. Refusant l'idée que le monde est ce qu'il est à cause d'une poignée de gens (les bourgeois, même si elle n'emploie pas ce terme); elle met au contraire en avant que les masses sont le soucis à être avillies et que les individus, les pionniers, bref les gens d'exceptions, sont aux contraires rares et décriés et que bien souvent, les dirigeants des masses, comme les masses elle-même, ne reconnaissent pas les progrès fait avant elleux par ces même personnes. Evoquant plus en détail le cas de l'art plus que toute autre choses, elle précise que "de nos jours" les gens s'interessent plus à l'argent qu'aux oeuvres en elle-même. Dit autrement, els s'interessent plus à la masse d'argent qu'els vont pouvoir en tirer qu'à la qualité de l'oeuvre; qualité passant ainsi au second plan si tenté que l'on puisse produire en masse dans le cas des objets du quotidiens.

    3. L'individu, la société, l'État

    Dans cet essai qui commence comme de quelque chose que l'on pourrait dire de notre époque puisqu'elle y dit que

    “ Le monde ne sait pas comment s'en sortir. Le parlementarisme et la démocratie sont sur le declin. Certains envisages le fascisme [elle écrite en 40] ou d'autres formes de gouvernements « fort ». Le bien-être de l'individu et le destin de la société humaine dépendent des bonnes réponses données, entre autre, aux problèmes suivants : la crise, le chômage, la guerre […] ” (P83-4)

    Dans cet essai donc, Goldman en profite pour sortir du dilème imposé : « guérir les maux de la démocratie avec plus de démocratie, ou [...] trancher le noeud gorgien du gouvernement populaire avec l'épée de la dictature » (P.84) pour tout simplement n'en choisir aucun et rappeler le mal qu'est l'état. Rappelant que l'état à comme caractéristique de former un certain conservatisme réactionnaire puisqu'il conserve le pouvoir et uniformise les individus, elle lui oppose " [l]e « génie de l'homme » ", cet autre nom de l'individualité, qui à accomplit tant de choses « en coopérant avec d'autres individualités ». (P.99). Mais attention, cette individualité est a séparer de « l'individualité sauvage » promeut par l'état et qui n'est que « course dégradente aux bien materiels, à la possession, au prestige social, à la domination » (P.88) [ça rime, lol].

    (je skip le chapitre 4 – le traffic des femmes, et le chapitre 5 – des causes et d'un remède à la jalousie; le premier surtout parce que je le critique plus bas).

    El y a beaucoup, beaucoup de choses à dire, et sur surtout deux points : l'individualisme et le feminisme.

    Individualisme

    Je connais pas le courant de pensée de Goldman, mais au vu de ses ref (Thoreau, Nietzsche, Stirner etc.) j'ai l'impression qu'elle développe pas mal une vision de l'anarchisme individuel (ce dont, semble-t-el Stirner est le premier représentant justement). Alors, bien sûr·e, j'y connais rien en anarchisme individuel. Cependant, la lire m'a beaucoup faite penser à moi à bien des égards; et c'est donc pour cela que je vais commencer cette sous-section par une brève introduction à mon ancien-pas-si-ancien système de pensée.

    L'individu·e

    Ainsi, et au lieu de faire un texte à l'impro, permettez moi de copier-coller ma préface :

    " Lorsque j’ai commencée à écrire cette éthique, j’avais une vision plutôt sombre de ce qu’était la vie. Je ne nierais pas qu’en proie à une certaine incongruence de genre et soumise à  la vision masculine du patriarcat, je ne pouvais qu’avoir une vision négative de ce qu’était  l’existence. Cependant, réussissant tout de même à m’en extraire, ne serait-ce qu’un peu, je  réussissais à dégager une éthique du combat à la suite de ma lecture de Nietzsche. Comme je l’ai déjà dit dans l’avant-propos, et comme je l’expliquerais dans la première partie de ce livre,  Nietzsche a eu, à mon sens, la plus grande influence sur moi de touste les philosopheureuses  que j’ai pu lire jusqu’à aujourd’hui. Cela fut un tel bouleversement, que durant les années qui  suivirent, j’en fus presque sauvée ; de mon inacte. L’idée centrale que je souhaite défendre dans ce livre est la notion du paradoxe de l’altruisme. Plus encore que la vie comme étant en grande partie souffrance, plus que la joie pouvant amener à la léthargie, il me semble que, de plus en plus, ce paradoxe de l’altruisme est nécessaire. Ce dernier énonce la chose suivante : Si tenté que la vie est un combat, un dépassement perpétuel, alors que dire des actes envers autrui ? Sûrement, si chacun doit agir pour soi en tant que chaque combat qui s’offre à soi est preuve de toujours plus de souffrance, alors ne faudrait-il pas en venir à ne pas aider les autres, les laissant en proie à leur propre souffrance ? Mais à contrario, pourquoi ne pas agir pour l’autre en ce que cela nous occasionnerait encore plus de souffrance - entre autres par le fait que l’on ne veuille pas forcément le faire ? Faut-il donc en venir à aider autrui ou non ? Ce paradoxe est pour moi central dans ma vision du monde. Les individu.es en tant que forces en tensions les un.e.es contre les autres, il ne s’agit pas de résoudre ce paradoxe mais bien plutôt d’y voir une composante fondamentale du lien social, du lien communautaire. Dès lors, l’entraide paraît indispensable en tant que négociation de ce paradoxe. Et pour reprendre l’hyperbole que je formulerais plus tard et que je vulgarise ici à dessin : « Nous devrions en arriver à nous engeuler pour savoir lequel.le d’entre-nous devra effectuer la tâche qui nous incombe ».

    Mais cela suppose tout de même la vie comme combat et pour argumenter cela, je partirais du fait que la souffrance est une composante fondamentale à la vie comprise comme plus haut degré de conscience. Cette souffrance est visible dans ce que la conscience saisie comme la causalité ou encore dans son lien avec l’Autre. Mais cela n’est pas à dire qu’il faille souffrir inconditionnellement. Non pas, puisque que cela serait la recherche d’un idéal et donc preuve de Folie. En définitive il s’agit là bien plus de dégager une éthique qui reconnait la souffrance plutôt qu’une cherchant le bonheur, lui non atteignable en tant que joie prolongée jusqu’à l’infini et réduction maximal de la conscience, de la vie ; qui serait là aussi Folie en tant que recherche d’un idéal puisque, comme nous le verrons, la vie est entacher de souffrance.

    Enfin, et comme j’ai pu l’expliquer au début de cette préface, ayant été en proie à une vision très triste et très autosuffisante de la vie dans les premiers temps de mon existence, je ne nierais pas que j’avais une vision « indépendante » de cette dernière. Or, j’ai depuis réussie à nuancer mon propos du fait des expériences que j’ai pue vivre, et c’est cette nuance que j’ai cherchée à apporter à mon texte. Il ne s’agit là plus de voir la souffrance comme nécessaire à la vie comme j’ai pu le croire par le passé, ni même de s’imaginer un monde au chacun.e est indépendant.es les uns les autres. Au contraire, je pense que mon texte tente maintenant d’articuler un monde où il y aurait une revalorisation des actes individuels, où la souffrance ne serait seulement qu’une facette, certes importante, mais une facette parmi d’autres de la vie. L’individu.e ainsi constitué.e se devrait alors de combattre en tant que la vie à une composante de souffrance qu’il convient de ne pas laisser de côté. Mais, ce n’est pas à dire que l’indépendance est de mise, et par l’introduction de Butler et de Niedergang dans mon éthique, dans ma vision du monde en définitive, j’essaie par la même d’articuler une nuance, une remise en cause, une fusion même, entre ces deux visions à priori contradictoires qu’ont Nietzsche et elleux. En définitive, ne s’agirait-il ici pas d’y voir un.e « surhumain.e communautaire » ? À comprendre l’humain comme dépassement de soi, mais un dépassement qui se doit de lui-même dépasser, déborder sur les autres en ce que l’on ne peut pas totalement être individu.e, en ce  que l’humain.e est toujours, et avant tout, lié.e aux autres ".

    Maintenant, pourquoi j'évoque tout cela ? Je parle de tout cela parce que c'est - si ce n'est exactement - plus moins l'idée que je retire en lisant Goldman. Lorsqu'elle ensance l'individu·e en parlant du « génie humain », ce « génie de l'individu [qui] s'élève vers des sommets [et] conçoit " l'impossible " » (P.94) tout en parlant des « fantastiques résultats [de] cette force unique [que] l'individualité humaine a accompli en coopérant avec d'autres individualités » (P.99); je ne peux m'empêcher d'y voir là une certaine ressemblance avec mon écrit. Et bien que, contrairement à elle, j'ai peut-être un peu plus versée dans l'égoisme et l'individualisme, je ne peux m'empêcher de croire qu'elle à pu en réchapper totalement non plus pour des raisons que j'évoquerais plus loin.

    Si on s'arrête là, cette vision n'a pas spécialement de problèmes; et elle peut même être convaincante. Après tout, elle permet de mélanger une certaine dose d'égoisme avec un collectivisme, et pour quoiconque croit en la nature fondamentalement mauvaise de l'humanité, cette vision de « l'autre comme conséquence de mon existence » n'est pas si mauvaise. Cependant, et c'est aussi la raison pour laquelle, je pense, j'ai finie par m'en détacher, cette vision à un gros défaut; celle de mettre l'égoisme, l'individualisme, au centre de l'humain·e. En effet, et cela est très visible avec ma préface, el y a un présupposé claire et qui saute aux yeux : tout le monde est individualiste. Cette vision de l'humain·e comme fondamentalement égoiste est selon moi un mythe néoliberal (ou en tout cas, renforcé par). Ce n'est pas à dire qu'el n'y a pas des gens plus égoistes que les autres, cela serait nier la variabilité du développement humain; mais de là à dire que c'est le cas pour tout le monde en tout temps ? Je vais reciter Goldman ici mais, « Pauvre nature humaine, que d'horribles crimes commis en ton nom ! » (P.54). Selon moi, cette vision del lea " surhumain.e communautaire " est une sorte de refus de penser l'interdépendance comme la condition de l'existence humaine. Versant ici plus dans Butler avec, par exemple, la force de la non-violence, je suis maintenant convaincue que nous sommes touste interdépendant·es et que cela n'est pas un régime anarchiste qui y changera quoique ce soit, bien que cela puisse " relacher le filet ". Car sans même parler de l'élévation d'um enfant·e qui est la dépendance première, el y a besoin - et surtout à notre époque - de dépendre des gens pour faire beaucoup de choses à commencer par réparer des machines par exemple.

    Mais si seulement cela s'arrêtait là. Mais, en fil rouge de ses textes se dessine, ou tout du moins j'ai l'impression, toute une vision des individus comme hors du commun; et là, j'ai bien plus de mal. Des expressions telles que le fait que « [l]es pionniers connaissaient les difficultés qu'ils rencontrent sur leur chemin, ils savaient l'opposition [...] qu'ils endureraient, mais fiers et sans peur, ils ont ouvert la voie, allant de l'avant. » (P.79) ou encore que « [s]ocialement, [l'individu] a toujours été le prophète, le visionnaire, l'idéaliste [...] » (P.94) sont des phrases qui me perturbent énormément en ce que j'ai l'impression en quelque sorte d'y voir Marx et son idée du prolétariat comme d'avant-garde de la révolution. Comme s'el y avait des gens privilégiés pour faire avancer les choses. Et puis même sans parler de cela, dans son essai " Minorités et Majorités " - et bien qu'el y est des points avec lesquels je sois d'accord sur le sujet « des masses » - j'ai l'impression d'y voir un mépris total pour ces même masses qui, « [i]ncapable de faire face à ses responsabilités, [...] suit ses leaders [...] » (P.67). (EDIT : et ça me fait.e aussi penser au mythe du génie qu'évoque la typographie post-binaire). Et puis, c'est aussi promouvoir une vision de chacun comme exceptionel, et ça peut très vite finir en contrainte coercive, ne serait-ce que pour les personnes ne réussissant à répondre à cet imperatif du " génie humain "; dit autrement, ça me donne des relan validistes.

    Féminisme

    Donc j'ai bien du mal avec la vision - mon interprétation - de Goldman d'un anarchisme basé en premier lieu sur des individu·es plus ou moins seul·es. Attention, je suis pas à là à dire que l'individualisme c'est mal et qu'en conséquence, el faut absolument verser dans un collectivisme total; ça serait se méprendre et je suis totalement d'accord avec elle lorsqu'elle énonce que l'un des mécanismes principal de répression de l'état - parce qu'il a peur de l'individualisme - c'est d'uniformiser les gens. Cependant, je trouve qu'elle accorde un peu trop d'importance à cette composante. Mais un autre gros soucis de sa vision des choses est, selon moi, sa vision du genre. Et alors que jusqu'à maintenant j'ai taqulée la première moitié du bouquin (plus ou moins) el est temps de parler de ces essais que sont « le traffic des femmes » et « Des causes et d'un remède éventuel à la jalousie ». J'ai pas osée les résumer de façon "neutre" parce que comme je savais que je voulais faire une critique après, et que je pouvais pas disocier les deux, bon.

    Le traffic des femmes - féminisme

     

    Le traffic des femmes est un texte qui s'attaque à la prostitution. Dans ce texte, Goldman critique l'entreprise proxénète et on pourrait même se dire dans un premier temps qu'el s'agit d'un texte abolitionniste en ce qu'elle énonce très justement que « le proxénétisme est [...] la conséquence directe des persecutions policières, de la corruption et des efforts engagés pour supprimer la prostitution » (P.135), autrement dit, du prohibitionnisme. Mais m'est avis que la question est un peu plus compliquée et que Goldman, malgré cette réserve, s'empêtre quand même dans une vision prohibitionniste.

    La première remarque que j'aurais à faire, et avant de commencer, concerne ma propre position (pour le moment) sur le sujet. A l'heure actuelle, et suivant le livre Femmes publiques. Les féminismes à l'épreuve de la prostitution, et tout en comdamant bien sûr le proxénétisme, je suis d'avis que ce n'est pas à moi de décider de si la prostitution est une entreprise nocive ou pas et qu'en tant que tel, la chose à faire - tout du moins dans un premier temps - est une mécanique de réduction des risques tout comme cela a pu être fait avec le VIH. Sans rentrer dans les détails de ce livre auquel je vous renvoie si vous voulez en savoir plus, l'entré dans le droit commun serait à mon sens une première étape. Dit simplement, je suis d'avis que les gens font ce qu'els veulent/peuvent [1] avec leur corps et que, une fois des conditions décentes installées et le patriarcat supprimé (ou au moins, dans le futur proche, amoindrit), si la prostitution – et en général le travail du sexe - venait à péricliter, ok; tout comme cela serait ok qu'elle continue. (EDIT : et dans tout les cas, ma vision anarchiste de la société comme une société sans argent rends la question du travail du sexe caduque). Dans un tel contexte, j'ai donc beaucoup de mal avec le texte de Goldman. Tout d'abord parce qu'à la suite de la citation page 135, elle énonce page 137 que « [p]our ce qui est d'éradiquer totalement la prostitution, nous n'y arriverons pas sans une révision radicale de toutes les valeurs reconnues [...] ». Ainsi, tout en reconnaissant que le proxénétisme existe, qu'il est nocif, et qu'une « [s]eule une opinon éduquée, se déprenant de tout harcèlement légal ou moral, permettera une amélioration des conditions actuelles » (P.137), el n'en reste pas moins qu'elle ne voit cette entreprise que dans un but de suppression total. (EDIT : je reconnais que j’y suis allée un peu fort, et qu’en 1940, y avait surement pas grand-chose d’autres que le proxénetisme. Et je pense que je fais un anachronisme en plaquant ma vision pro-TDS sur Goldman).

    Et sans même parler du sujet de la prostitution, et en étandant au féminisme en général, Goldman fait preuve selon moi de gros soucis. Alors, certes, on est en 1940 - c'est-à-dire neuf ans avant la parution du « deuxième sexe » de Simone de Beauvoir - et donc je devrais pas m'attendre à grand-chose en ce qui la concerne, mais je ne peux tout de même pas m'empêcher de faire une critique de sa vision qui la pousse à dire que « les jeunes filles [...] travaillent dans des pièces bondées et surchauffées sur des machines dix à douze heures par jour, ce qui contribue à les mettre dans un état permanent d'excitation sexuelle » (P.124). Ici, deux interprétations sont possibles :

    1. Du à la chaleur, tout le monde est quasi à poil et donc personne peut se contenir (on rappel l'adjectif « bondé », et je crois pas qu'el y est que des filles).

    2. La chaleur en elle-même excite les filles.

    Dans tout les cas, j'ai un grand mal à accepter cette vision qui, dans le premier cas, rend plus ou moins les filles complices de leur violences; et dans le second les essentialisent carréement. Et cette vision semble malheureusement se propager à la prostitution. Car si les filles sont en permanence en état d'excitation et n'ont nulles par ou aller, si ce n'est les endroits peut fréquentables, et alors « qu'on ne peut pas rejeter la responsabilité sur [elles] », pourtant « [i]l est difficile de choisir lequel de ces deux facteurs amène la jeune fille à cet état[-ci d'excitation] [... Mais cela reste] la première étape vers la prostitution » (P.125). Ainsi, tout en reconnaissant « que la situation économique est un facteur essentiel de la prostitution » (P.116), elle ne se prive néanmoins pas de traiter l'ensemble des prostitutés - dont seulement « 490 étaitent des femmes mariées » sur seulement « 2000 cas » étudiés par Sanger - de nympthomanes.

    le traffic des femmes - anti-racisme (TW : RACISME)

    Et puis, même en départant du féminisme, on est pas aux bout de nos peines puisque du racisme vient s'immiscer dans le texte. En effet, et alors qu'à plusieurs reprises dans d'autres texte elle montre une certaine sympathie pour la lutte contre l'esclavage, el n'en reste pas moins que son texte commence par la phrase suivante :

    “ Les reformateurs de notre époque viennent de faire une grande découverte : la traite des Blanches.” (P.111)

    Cette phrase déjà est ambigue puisque, peut-on vraiment dire que les personnes blanches ont jamais souffert de traite ? Je veux dire, la personne blanche n'est elle pas, par définition, la personne qui ne subit pas le racisme ? (EDIT : oui, je sais, y a eu des traites de personnes slaves etc. et le mot esclave lui-même semble-t-il provient de cette même origine. Mais tout comme les irlandais.es n’étaient pas considéré.es comme blanc.hes avant leur intégrations dans le système suprémaciste blanc au US, je me pose cette même question. Bref, c’est trop peu clair.e). Continuant mon propos, je note aussi qu'à plusieurs reprises, elle parle de « traite des blanches », mais sans jamais prendre en compte plus avant le cas des personnes racisées. Car bien qu'elle fasse mention une seule fois « des Blanches commes des Noires, des Jaunes... » (P.113), elle dit cependant se demander « pourquoi la prostitution et la traite des Blanches ont pris tant d'importances » (P.115), sans une seule fois faire référence à l'histoire colonial de son pays [les US] et parler, je sais pas moi, des stérélisations forcées des femmes noires. Et outre ce racisme évident (si l'utilisation du terme « Jaune » était pas déjà suffisant), elle à beau vouloir se prémunir de tout antisémitisme en disant fièrement, comme personne progressiste qu'elle est « fière de pouvoir affirmer [qu'elle s'est] débarassée de cette tendance » nationaliste à croire que les « [j]uives constituent la majorité des proies consentantes » (P.132), cele ne l'empêchera pas 13 lignes plus loin d'affirmer que « [l]es Juives n'ont pas l'esprit aventureux » (P.132) et que « dire qu'un nombre important de Juives sont importées pour être prostituées [...] c'est tout simplement afficher son ignorance de la psycologie juive » (P.135).

    On remarquera cependant dans le texte des bons points; mais qui sont si peu nombreux fassent à toute ses critiques. Dans un premier temps, Goldman mets une certaine emphase sur le fait que les femmes de son époques sont éduquées à être des objets sexuels. De même, et me rappelant par là-même Delphy ou encore Tabet (Le prisme de la prostitution, que j'ai pas encore lue), elle insiste à de nombreuses reprises que le mariage et la prostitution sont la même chose à une différence non pas de nature, mais de degré puisque bien que l'on critique la prostitution, on ne critiquait pas à son époque les mariages arrangés. Citant ici Bonger, un criminologue, elle dit que « se prostituer ou se marier pour des raisons financières revient au même dans le fond, que l'on soit un homme ou une femme » (P.123).

    Des causes et d'un remède éventuel à la jalousie

     Voici la seule phrase digne d’interêt dans ce texte,

    “ Je pourrais discuter de la variété et de la monogamie durant des semaines, mais je ne vais pas m'étendre ici, si ce n'est pour dire que tenir pour pervers ou anormaux ceux qui peuvent aimer plus d'une personne confine plutôt à l'ignorance ” (je souligne) (P.149)

    Ici, el s'agit pour Goldman de mettre en avant une vision de la société dans laquelle la jalousie, attribuée au mariage monogame, aurait disparu aussitôt que tout le monde serait libre d'aimer qui els veulent sans entrave. J’ai du mal avec ce texte, parce que, quand bien même il cherche à mettre en avant que les relations non-monogames, bah, c'est cool et nomal en fait, j'ai aussi l'impression qu'elle va un peu trop dans le sens inverse en mettant la non-monogamie en imperatif moral. Par exemple, elle énonce qu' « [i]l n'est rien de plus terrible et de plus fatal que de s'opposer aux besoins vitaux de l'être aimé ou de soi-même » (P.151) dans le cadre romantique. De par cette phrase seule, j'ai cette étrange impression que Goldman considère la monogamie comme une forme purement sociale de relation, la voyant comme « la domestication et [...] l'appropriation des femmes qui crée du même coup le monopole sexuel [et] la jalousie » (P.145) contrairement aux « société primitives » qui « s'unissaient librement sans que la loi ou la morale n'interfèrent » (ibid). Car sans nier que la composante sociale est un gros levier sur l'appropriation du corps des femmes, cette vision plutôt simpliste du " on supprime tout et tout ira mieux " me fait me dire qu'elle ne perçoit pas un seul instant que la monogamie puisse être aussi le resultat d'une tendance naturelle du développement humain (tout comme toute caractéristique). De plus, cette opposition entre la " civilisation corrompue " et les " premières nations innocentes " me fait me demander si el n'y aurait pas ici une certaine forme de fétichisation à la rousseau. (et je vais même pas revenir sur une certaine forme d'essentialisation des genres dans les relations amoureuses)

    Conclusion

    On l'aura compris·e, je suis plus que mitigée envers ces textes. Et même sans prendre en compte la critique féministe (elle à écrite ça en 1940, donc el y a le contexte aussi que faut pas oublier) qui montre son côté essentialiste, j'ai un peu de mal avec sa vision individualiste de l'anarchisme comme j'ai pu l'énoncer plus haut. Je le redis parce que je trouve ça primordial·e. J'ai pas de mal à voir une certaine forme d'individualisme dans l'anarchisme. Après tout, sans état, les gens doivent bien prendre les choses en main et faire des choses par elleux-même. Cependant, et comme j'ai pu l'exprimer en faisant la comparaison avec moi-même, ensencer le caractère individuel, le porter aux nues comme l'a pu faire Nietzsche ou d'autres, et ce, quand bien même on reconnait une certaine forme de libre association, est selon moi une faute importante et cela peut très vite finir en coércition pour les personnes n'arrivant pas à la cheville de cette devise. Par exemple - et c'est un exemple "réel" que j'ai vue sur reddit - prenons le cas d'une personne neurodivergente avec de la dysfonction executive. Cette personne pourra avoir du mal à participer à des tâches. Or, dans une vision plus individualistes, el est très bien probable que cette personne puisse être laisser à son compte, ou même dévalorisée, l'anarchisme n'étant selon moi pas exampt de comportements problématiques. Oui, les discriminations systémiques seront surement supprimées du fait de la disparition des institutions, mais cela n'empêche pas que des mécanismes de discriminations puissent perdurés à l'instar de l'ostracisation par exemple. Et ça, c'est sans même parler de la critique de The value of radical theory. Dans ce livre, l'auteurice critique la vision du socialisme comme inévitable en ce que cela peut pousser certain·es anarchistes à se délaisser de la société puisque, le socialisme arrivant un jour où l'autre, cela pourra très bien se faire sans elleux. Et là, je ne peux m'empêcher d'y voir une intersection avec l'anarchisme tel que décrit par Goldman puisque, dans les deux cas, el s'agit d'une vision très individuelle. Et bien que dans un cas l'individualisme soit une conséquence, et dans l'autre une chose, j'arrive très bien à voir une façon dont ces deux tendances pourraient arriver à se renforcer l'une l'autre. En définitive, je préfère davantage voir les gens d'abord en communauté, et ensuite s'associant librement si besoin s'en fait sentir.