Au cours des dernières décennies, la plupart des sociétés se sont faites plus répressives, leurs lois plus dures, leurs juges plus inflexibles – et ceci sans lien avec l’évolution de la délinquance et de la criminalité. Didier Fassin s’efforce ici de saisir les enjeux de ce moment punitif. Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ? Analysant des contextes historiques et nationaux variés, il montre que la réponse aux infractions n’a pas toujours été associée à l’infliction d’une souffrance, qu’elle ne procède pas seulement des logiques rationnelles servant à la justifier et que la plus grande sévérité des peines accroît les inégalités. Son enquête propose une salutaire révision des présupposés qui nourrissent la passion de punir et invite à repenser la place du châtiment dans le monde contemporain.

Auteurice.s:

Dider Fassin

  • Justice
  • Commentaire

    En gros, dans ce bouquin, Fassin s'interesse à plusieurs questions :

    Son approche est intéressante parce qu'elle va bottom-up. Au lieu de partir d'une définition théorique, il part de fait (de l'ethnologie entre autre) pour ciritiquer la définition théorique, et c'est très interessant. Par exemple, en ce qui concerne la première question, il part d'une définition philosophique de H. L. A. Hart :

    “ [le chatiment] doit impliquer une souffrance ou d'autres conséquences normalement considérées comme désagréable; il doit répondre à une infraction contre des règles légales; il doit s'appliquer à l'auteur réel ou supposé de cette infraction; il doit être administré intentionnellement par des êtres humains autres que le contrevenant; il doit être imposé par une autorité institutée par le système légal contre lequel l'infraction à été commise (Conférence de 1959) ”

    Or, Fassin montre que de ces cinq critère un seul survie à l'étude réelle : Punir, c'est l'infliction d'une souffrance. La troisième question - et celle ou je pensais avoir le moins à dire - est celle ou au contraire, j'aurais peut-être le plus à dire. Car effectivement, on remarque que la problématique majeure d'une définition à priorie et théorique comme celle de Hart (et de tout ceux qui l'on suivi) est qu'elle gomme les inégalités. En supposant que la justice soit la même pour touste, on efface que dans les fait, il y a une inégale distribution des peines. Fassin prends en exemple la lutte contre la drogue. Il fait, entre-autre, remarquer avec justesse qu'il y a une surrepresentation des populations précaires, non pas en ce que la drogue serait leur monopole puisqu'elle tourne dans toute les couches sociales, mais bien plus en ce que les contrôles y sont bien plus fréquent. A cet égard, il énonce que [je retrouve pas le passage] lorsque des jeunes de classes moyennes sont découvert, il s'agit le plus souvent d'un rappel à l'ordre. Dès lors, Fassin indique avec exactitude qu' « en passant du traffic d'héroine à l'usage de cannabis, on s'autorise à circonscrire la population que l'on veut sanctionner, c'est-à-dire punir essentiellement ceux qu'on a définis a priori comme punissable » (P.121). Cette question de qui punir, à d'ailleurs un corollaire trivial : Que punir ? Car, et c'est une remarque que je trouve particulièrement pertinante,

    “ [...] pourquoi le meurtre est-il « universellement regardé comme le pire des crimes », alors qu' « une crise économique, un coup de bourse, une faillite même », dont les conséquences peuvent être bien plus grave qu'un homicide, ne soulèvent pas la même indignation ? [...] Pour la plupart des gens, plaider coupable pour un crime signifie qu'ils atterriraient très probablement en prison, perdraient leur travail et leur droit de vote. Mais quand cinq des plus grandes banques du monde plaident coupables pour un ensemble de fraudes et de violations de la loi antitrust, la vie continue, probablement sans la moindre secousse » ” (P.109-110)

    Il y a d'ailleurs tout un questionnement très interessant sur la religion dans le livre et sur l'hypothèse que la prison et toute la clique carcérale qui va avec n'a rien changée, elle n'a fait que remplacer la religion et son concept de repentance à cet égard, car  « [q]ue l'on partage ou non sa position normative et qu'on se rejouisse avec lui ou non de la redécouverte de la pénitence, il n'en reste pas moins qu'il engage une importante reflexion sur l'héritage religieux dans le système pénal, qui mérite d'être reprise dans une perspective critique. » (P.71)

    Reflexion qui est la suivante :

    “ A rebourds de l'opinon commune selon laquelle « l'évolution du droit pénal s'est faite contre les Eglises et contre leur théologie », Paul Ricoeur affirme que « toute les tendances actuelles de la pénalisation, en apparence anti-religieuses, sont peut-être un moyen de redécouvrir un autre sens de la pénitence et de la punition » Il en donne notemment comme illustration le remplacement du péché par l'infraction et de l'exploitation par l'amendement […] ” (ibid)

    Et d'ailleurs, dans le fameux livre de Davis, La prison est-elle obsolète ?, cette généalogie est clairement explicité avec par exemple Bentham et les religieux. Je n'en avais pas parlée parce que je voulais pas faire trop long; mais Davis énonce que

    “ Ce mode de labeur carcéral, ou communautaire, était censé se dérouler dans un silence complet. [...] Pourquoi les réformateurs des XVIIIe et XIXe étaient-ils à ce point attachés au principe du confinement solitaire ? [...] à l'époque, on lui attribuait des vertus émancipatrices. Le corps était isolé et cloitré afin de permettre à l'âme de s'épanouir. Ce n'est pas un hasard si la pluoart des réformateurs de cette éopque étaient des hommes profondement religieux; ils voyaient dans l'architecture et dans le reglement interne du pénitencier une reproduction de l'architecture et des structures de la vie monacale. ” (P.56)

    et pour finir, je vous laisse avec une citation (et je m'en vais commencer Le capital) :

    “ La légitimité ultime du châtiment devrait ainsi être la restauration d'un ordre social juste que le fait incriminé avait menacé. Or, si le châtiment n'est pas ce que l'on dit qu'il est, s'il n'est pas justifié par les raisons que l'on croit, s'il favorise la réitération des infractions, s'il punit en excès [1] de l'acte commis, s'il sanctionne en fonction du status des coupables plus que de la gravité de l'infraction, s'il vise avant tout des catégories préalablement définies comme punissable et s'il contribue à produire et reproduire des disparités, alors ne devient-il pas plutôt ce qui menace l'ordre social ? ” (P.147)

    [1] J'en ai pas parlée, mais mettre quelqu'un en détention provisoire, c'est déjà lui infliger une peine, en plus de son incarcération (on est donc plus dans le juste mesure); c'est lea désigner coupable avant même tout verdicte (bonjour la présomption d'innocence). Toute les humiliations et autres fouilles, c'est déjà une peine en plus etc.