Quel regard portent les personnes handicapées sur leur corps ? Le handicap questionne les manières d’agir, de se mouvoir, que l’on a coutume de tenir pour ordinaires. Or comment construit-on sa virilité quand le corps ne correspond pas au standard, quand la force ou le muscle fait défaut ? Comment appréhende-t-on son expérience lorsque l’autonomie individuelle nécessite la coopération d’autrui ? À travers de nombreux entretiens avec des hommes « handis », Pierre Dufour, lui-même en fauteuil, explore le discours qui sous-tend la situation de handicap. Il analyse et dissèque le regard que l’on a sur soi, sur sa virilité, sur sa capacité à s’affranchir des standards et d’un vocabulaire issus d’un agencement du monde « valido-viril » lorsque son corps ne correspond pas à celui-ci. Croisant les thèmes du handicap et du genre, l’auteur interroge à la fois les pratiques d’hommes se déplaçant en fauteuil roulant et le stock social des discours sur la diversité corporelle. Nourri de nombreux exemples, ce livre offre une lecture originale, peu courante en France, dans la veine du courant anglo-saxon des Disability studies.
Auteurice.s:
Pierre Dufour
Commentaire
Ce livre est plus ou moins divisé en trois parties. Une première partie vient parler du contexte mondial sur le le handicap et situe la france dans un retard net en ce qui concerne les Disabilities Studies, notement face à l'angleterre, foyer du « modèle social », un modèle qui, quoique critiquable, entends mettre en avant la communauté et l'autodetermination. Une seconde partie, le coeur de l'argumentation vise à expliciter ce que Dufour décrit comme « l'agencement valido-viril », un agencement étant décrit comme un « complexe de séquences discursives, de gestuelles, de dispositifs concourant à dire et à construire la réalité » (P.20). Enfin, une dernière partie s'attaque à la sexualité de personnes handies, revelatrices selon Dufour de cette experience.
Je n'ai pas de problème avec ce livre dans la mesure où il met en lumère cet angencement. Il le dit bien dans son introduction, « [d]ans l'optique de la CIF, les caractéristiques biologiques, les capacités individuelles, sont descriptibles en fonction de critères médicaux et statistiques. Ceux-ci servent de références à l'évaluation des états de santé » (P.23). A la suite de Canguillhem et de Butler que Dufour cite explicitement, el s'agit de voir les corps comme façonnés par les discours et les normes. Aussi a de nombreuses reprises Dufour explicite-t-il comment les corps handies sont créés, compris, au travers de normes sociales et par là-même dévalués. Pris dans un schème où ils sont compris comme impuissant, comme un problème nécessitant une solution, on peut citer ici le cas de l'assistance sexuelle ou encore celui des déplacements dans les transports en commun (ascenseur etc.). Tout concours à ce que la personne handie soit comprise - et se comprenne elle-même - comme une masse physique, un poids qui n'a pas de volonté et sur lequel on agit unilateralement, l'infantilisation étant partie prenante de ce mécanisme. Dans un tel contexte, dans un contexte où on pourrait attendre des associations un soutiens evers ces dernians, el est d'ailleurs étonnant de constater que les associations liées aux handicap en france sont aussi, dans leur grandes majorités, celles qui gèrent des institutions spécialisées.
Cependant, là où selon moi, le bas blesse, c'est dès lors qu'el s'agit d'attaquer la partie « viril » de ce complexe. Je dirais dans un premier temps que j'ai eu du mal à cerner les arguments de l'auteurs dont, pour la plupart, el s'agissait plus selon moi d'arguments en faveur du " valido-" plus que du "viril". Peut-être est-ce là parce que j'ai eu du mal à entrer dans le livre ou parce que je l'ai lue par intermittance, mais toujours est-el que j'ai eu du mal à cerner ce "viril" dont Dufour parle, et ce, pour deux raisons.
La première selon moi est que Dufour agit comme si son concept de " valido-viril " était quelque chose d'évident qu'el n'y avait pas à décrire davantage. Don't get me wrong, je ne suis pas à dire qu'un tel dispositif n'existe pas (bien sûr que si), mais que je trouve qu'il ne fait pas l'effort d'y prêter plus d'attention; pas plus de justification que cela. Etait-ce là parce que cela était évident pour lui ? En france, dans un pays où il reconnait lui-même qu'on est en retard ? L'autre point, et qui est lié au premier, est que, quand bien même il aurait voulu en donner des exemples au travers de sa recherche de terrain, que je ne suis pas convaincue. Selon lui, et de ce que je comprends, l'un des mécanismes de cet agencement valido-viril est celui du « geste individuel efficace », du muscle. Again, je ne vais pas nier que l'idée de productivité, d'efficacité n'est pas une norme avec des ramifications virilistes; mais j'ai comme l'impression que parce qu'il prends en sujet d'études des hommes, alors cela lui permet de passer outre toute sortes d'autres hypothèses. Dit autrement, le geste efficace est-il seulement une norme viriliste et peut-on l'appliquer partout tout le temps et à toutes les experiences ? Foucault, dans Surveiller et Punir parle exactement de cela mais dans une perspective de faconnement des corps et de création du prisonnier, et dans un livre plus récent que j'ai lue Genre, Corps et Espace, on en a un exemple dans le cas des femmes en prison pour qui le sport est un moyen de re-rentrer dans les canons de beautés féminins. Par exemple, il énonce
« Mais le dire [sa faiblesse], l'avouer, expose au discredit. Dire " je suis fatigué, j'ai mal [...] ". [...] Dans un univers langagier qui clôture la limite [...] cette position s'avère délicate car elle relègue au rang de perdant, voire de mascotte incapable de prétendre jouer les jeux de la virilité. » (P.65)
Mais dans quelle mesure peut-on faire un lien entre sentiment de faiblesse et masculinité ? Dans quelle mesure l'aveu de faiblesse est-il forcément lier à une perte de la virilité ?
C'est un livre qui reste plutôt interessant, et rien que pour la partie "valido-" il est interessant. Je suis peut-être trop virulente dans mes propos, et je le redis, je ne nie pas que validisme et partiarcat se rejoignent, mais j'ai trouvée que les exemples n'étaient pas assez explicités à mon gout, souvent me donnant des " mais pourquoi ? Précise "; voir même étant assez vague pour que je puisse me demander si c'était pas là quelque chose de commun aux autres genres.