« J'étudie l'oppression des femmes. Mais l'oppression des femmes est spécifique non pas parce que les femmes seraient spécifiques, mais parce que c'est un type d'oppression unique. » « Oppression », le mot est important car en l'utilisant on comprend qu'il ne s'agit plus d'améliorer la « condition des femmes » mais de la rébellion d'un groupe social. « Patriarcat » est un mot qui désigne le système d'oppression des femmes : il s'agit d'un système, et non d'une série de hasards malchanceux.« Genre » est le système de division hiérarchique de l'humanité en deux moitiés inégales. Avec Penser le genre, le tome 2 de L'ennemi principal, l'auteure nous présente la suite de son analyse matérialiste de la société, une analyse en termes de rapports sociaux et donc politiques, fondamentale pour la compréhension de toutes les oppressions, fondamentale à tout projet d'émancipation.
Auteurice.s:
Christine Delphy
Commentaire
Introduction
Je suis assez déçue en vrai. Pour un livre qui s'intitule "penser le genre", on se serait attendu.e a une plus grande attention portée à ces problématiques; mais non. Seulement deux écrits parlent des questions liées au genre : Penser le genre et L'invention du French Feminism [...]. Remarquons que les autres articles n'en sont pas moins intéressants pour autant. Il y a un shift sur des questions juridiques et sociales qui est intéressant, mais qui fait moins partie de mon interêt dira-t-on.
Les articles juridiques - les mineurs
Une grosse partie juridique donc. En effet, des réflexions très intéressantes et encore actuelles sur la situation des enfants en france. Par exemple, j'ai déjà pu parler de l'adoption et des illogismes des règles qui le fonde (Par exemple, la demande de separation d’age d’au moins 15 ans et ce, même dans le cas d’une personne majeure) et en tant que tel je ne reviendrais pas dessus; mais je pourrais aussi évoquer le droit de déplacement (elle écrit en 95):
“ Les mineurs n'ont même pas le droit de se déplacer - la gendarmerie ramène le mineur « en fugue » de force, sur simple demande de ses parents; après 18 ans il est simplement « en voyage », comme tout le monde […] ” (P.193)
De plus, on remarque d'autres problèmes. Car, en effet, la majorité est elle-même à géométrie variable, tout comme la minorité dont on a réussi à trouver des moyens de l'aménager sans en enlever des droits aux cibles (tutelles et curatelles). Ce qui lui fait d'ailleurs conclure plus bas que, une hypothèse formulable est que « le couple majorité/minorité n'a aucun fondement naturel : il n'est pas [...] la « traduction juridique » de regroupements ayant leur principes ailleurs. Ce qui est au principe de la privation de droits des enfants, c'est la majorité, qui crée, dans un système d'oppression classique, la minorité : une situation purement juridique, qui n'a aucun rapport avec une mesure quelconque des aptitudes des personnes » (ibid.). Il est par ailleurs très intéressant de remarquer la formidable similarité entre les femmes et les enfants. Non seulement, il arriva par le passé que ces dernières euent le status juridique de mineure; mais en outre, « [...] la question juridique du status sociologique de «l'enfance» n'est jamais posée. Elle est considérée comme une catégorie sociale naturelle : une catégorie naturelle à effets sociaux. [... Or le status] corresponds de façon frappante à une privation de droits, du même type que [celui] des femmes [...] Des arguments de type biologiste - la «faiblesse naturelle» des enfants, et les droits que d'autres ont, en contrepartie, sur eux. » (P.182-3). Et continuant à commenter cette citation, pourrais-je poursuivre en citant un autre passage :
“ On pourrait parler d'un processus d'infantilisation toujours plus poussé des jeunes : « on dépense beaucoup d'energie à garder les enfants puérils; on les gardes dépendants pendant beaucoup plus longtemps que nécessaire » ” (Jackson 1982:27)
Qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler le passage dans Raising Rosie où l'un.e des parents énonce que l'on garde les enfants à l'abri de savoirs sur leur corps et l'anatomie, comme si, par peur; par honte, on projettais ces dernières sur elleux. Tout cela fait donc ressortir que l'argument biologique vise, en premier lieu, à homogénéiser la population cible, et qu'on « ne peut parler « des enfants » en ces termes [d'incapacités] que si l'on accepte la fiction consistant à considérer le nouveau-né qui ne peut se nourrir comme le prototype de l'enfant. Or le status de l'enfant se poursuit jusqu'à dix-huit ans et s'applique à des populations ayant des niveaux d'autonomies très divers [...] » (P.185)
Les articles juridiques - Privé/Public
Outre cela, on peut aussi s'interesser au couple privé/public qu'elle attaque de façon similaire. Il s'agit ici de le critiquer non seulement en tant que concept purement social et non naturel, mais en plus de faire remarquer en quoi il est fondamentalement privation. Cette dernière énonce,
“ On peut maintenant compléter cette hypothèse centrale [celle du construit juridique] par les sous-hypothèses suivantes. Le domaine du privé est celui de la privation de droits pour une catégorie d'acteurs. Ces droits ne sont cependant pas purement et simplements supprimés; ils sont transférés à une autre catégorie [...]. Les droits que les enfants n'ont pas sur eux-même sont transférés à leurs parents […] ” (P.202)
Le privé agirait donc de façon antonyme au public que ce dernier viendrait à créer par exclusion même du droit commun; applicable à tous. Il créer par la même un droit spécifique dans lequel il ne pourrait rien faire, ni même s'y introduire. Mais, et peut-être bien pire, est surtout le fait que cette opposition privé/public, loin de n'être que juridique, social; constitut aussi et en premier lieu, l'impensé du droit. Il s'agit de la base même de toute loi et « [a]insi le substrat de la loi est-il une règle non seulement non-écrite, mais sans contenu; en tous les cas sans contenu autre [...] que ceux que les tribunaux y mettent : sous les pavés des lois positives; le sable mouvant. » (P.202). En conclusion de cette partie, on a donc un « méta-droit, qui organise à la fois l'opposition privé-public et la dérogation non seulement normale, ordinaire, réglementée, mais normative, c'est à dire fondatrice de la règle elle-même, au droit dit « commun » » (P.204)
Les articles sur le genre - Introduction
Mais outre ces question sur le juridique, d'autres articles s'intéressent davantage aux questions de genre, et sujet que je vais potentiellement tenter d'approfondir.
Les deux articles qui m'intéressent sont les articles suscités. Le premier, Penser le genre, est un peu décevant. Je pense que depuis le temps que j'en avais entendue parler, j'avais mise la barre trop haute. Effectivement, il va s'agir ici pour Delphy d'aller à l'encontre des idées réçues sur le sexe, mais pas tellement dans les détails; ou tout du moins, pas tellement ceux auquels je me serais attendue.
Penser le genre
Après une bève mise en contexte dans laquelle cette dernière rappelle la génèse du concept de genre, celle-ci en vient à énoncer ce pour quoi le genre ne saurait provenir du sexe. Plus précisement, et on me permettera ici de faire une parenthèse je l'espère, cette dernière énonce une phrase qui, presque point par point fait mirroir à ce que dit Zappino dans Communisme Queer; ce qui, en soi, n'est pas étonnant en ce qu'il dit à la page 42 que
“ Soit nous pensons que les ressources subjectives et relationnelles peuvent être «extraites» par le capitalisme de la même manière qu'il exrait les ressources minérales, soit nous n'avons compris que très peu de choses, voire rien, à la tradition intellectuelle qui, à un moment donné, a commencé à dire qu' « on ne nait pas femme », que « les lesbiennes ne sont pas des femmes », que « la femme est le produit d'une relation d'esclavage », que « notre lutte vise à abolir les hommes » ou que « le genre est performatif » - et donc à dénaturaliser ce qui jusqu'à maintenant, est donné comme aussi naturel que les ressources minérales. ”
Plus précisement encore, ce dernier précise :
“ Car pour pouvoir opérer et se reproduire, l'hétérosexualité se fonde sur la transfiguration de certaines différences anatomiques - qui sont, en soi, muettes et neutres commes toutes […] ” (P.36-7)
Ce qui, logiquement - en ce qu'il écrit des années après, et a plus que surement, lu Delphy - fait écho à cette dernière lorsqu'elle énonce que,
“ Nous pensons au contraire que c'est l'oppression qui créer le genre : que la hiérarchie de la division du travail est anterieure, d'un point de vue logique, à la division technique du travail et crée celle-ci : crée les rôles sexuels, ce que l'on appelle le genre; et que cette partition hiérarchique de l'humanité en deux transforme en distinction pertinente pour la pratique sociale une différence anatomique en elle-même dépourvue d'implications sociales [...] de sens comme tous les faits physiques. (je souligne) ” (P.212)
Mais, outre cela, d'autres arguments entre en ligne de mire. Cette dernière énonce deux présupposés, confusions, qui font que l'on pense l'implication Sexe => Genre. Dans un premier temps, on fait un raisonnement circulaire. On part bien du constat que le genre est cette partie "social du sexe" et que le sexe est naturel. Cependant, et pour justifier du lien entre les deux, on utilise d'arguments en amont du genre qu'au contraire le genre est censé expliquer. Concrètement (et là, c'est moi qui prends l'exemple) : On justifie le genre par des caractères psycologiques pré-sociales. Or, admis que la psycologie est éminement sociale (dans le sens où les comportements le sont), on en vient à justifier le tout par une de ces parties en la faisant précéder de ce même tout. Mais supposons (et là c'est moi qui étends l'argumentation) qu'au contraire, on prenne la psyco' comme naturel. Dès lors, c'est revenir à la vision Sexe = Genre et qui est, pour le coup, complètement fausse et largement accepté comme tel. En outre, cela va à l'encontre du présupposé initial de Genre comme social. Dans un second temps, Delphy critique les visions qu'elle décrit comme "cognitives", c'est-à-dire, des visions qui pensent, très grossièrement, que « les choses ne s'opposent qu'en se distinguant » et que l'humain.e à un besoin pré-social et absolu de classification binaire. Plusieurs visions sont ici ciblées. Les visions de type Acker et Lloyd pour qui le genre reste pertinant en tant qu'utile "pour classer"; et les visions de type Levi-Strauss et Derrida. Même sans parler du fait que cette affirmation de besoin de classification n'a (en tout cas à son époque) pas été prouvé et reste une hypohèses, concernant ces derniers, Delphy en dit que l'énoncé en tant que tel est truffé d'erreurs.
Tout d'abord, on ne peut comparer que des choses comparables; munis d'un système de comparaisons (on ne mélange pas les choux et les carrottes) et en tant que tel parler d'opposition n'a pas de sens (imo, tout au plus on parle de différence). Ensuite, que les differences sont multiples, et encore plus que l'on peut comparer plusieurs objets entre eux et non pas forcéments un-à-un (ils n'existent pas dans le vide). Enfin, et peut-être est-ce là le point le plus important de l'argumentation, il en va aussi que cette séparation n'est pas hiérarchique. Dès lors, et quand bien même pourrait-on réduire la cognition au langage (les théories de derrida et Strauss sur la cognition se basent sur un modèle linguisitique), que cela serait en excluant fondamentalement le caractère hiérarchique du genre. Ainsi, au mieux les énoncés sont-ils incomplets, au pire carréments faux.
En outre, pourrait-on aussi remarquer que le sexe est un construit en ce qu’
“ On ne trouve pas ce marqueur à l'état pur, prêt à l'emploi; comme le disent Hurtig et Pichevin, pour se servir du sexe, qui est composé, selon les biologistes, de plusieurs indicateurs, plus ou moins corrélés entre eux, et dont la plupart sont des variables continues [... ,] il faut réduire ces indicateurs à un seul, pour obtenir une classification dichotomique. Et commes elles le disent encore, cette réduction est un acte social. ” (P.231)
Tout cela nous permettant ainsi de partir sur la base que ce n'est pas le genre qui suit le sexe, mais bien plutôt ce dernier qui est créer par le genre,
“ Pour penser le genre, comme quoi que ce soit, il faut sortir du domaine des présupposés. Penser le genre, c'est repenser la question de son rapport au sexe, et pour penser cette question, il faut la poser, ce qui implique que l'on abandonne l'idée qu'on connaît la réponse. ” (P.230)
Cela amène ainsi Delphy à faire deux nouvelles hypothèses :
- Soit Sexe => Genre est une coincidence statistique (étrange vu que la corrélation semble bien plus haute qu'une simple distribution aléatoire)
- Soit que le Genre précède le Sexe.
Penser le genre - Commentaire
Sur cet article en tant que tel, je n'ai rien à dire. Franchement, même si les arguments concernant Strauss et Derrida sont légèrement spécifiques (même si faisant partie d'un cadre plus général) et qu'on pourrait même critiquer Delphy pour - potentiellement - ne pas avoir lue Derrida du tout [1]; il n'en reste pas moins que les grandes lignes des l'argumentation, quand bien même on ne les appliquent pas à eux spécifiquement, sont très intéressantes.
[1] Je connais pas spécialement Derrida, je fais juste attention à ce genre de choses.
L'invention du « French Feminism » : une invention essentielle - Définition et politique
On passe donc maintenant au second article. Je préviens d'avance que je vais surement réagir assez violement parce que bon, Delphy s'attaque, entre autre, à Butler et que pour une raison ou une autre, j'ai un lien assez fort avec iel.
L'invention du « French Feminism » : Un démarche essentielle, est un article critiquant le courant de pensée né aux US et portant ce nom. Pour faire court, Delphy le critique en tant que courant visant, de façon implicite, à revaloriser un certain essentialisme.
Tout d'abord, qu'est-ce que le F.F ? En vérité, il semble que personne ne le sache vraiment. Le courant se base bien sur un ensemble de textes Français, mais toujours est-il que le corpus n'est lui-même pas bien définis. Certaines autrices inclus Foucault, d'autres non à titre d'exemples. On part donc avec une base flou. Mais bien plus encore, ce ne serait que des bouts de phrases, des citations qui sont prises ça et là, et qui vont chercher à faire discuter des auteurs qui n'ont rien en commun et « rien à se dire »; à l'image de Foucault et de Lacan. Il « faudrait donc croire que sur une période de quinze ans, une universitaire après l'autre a « mal compris » la scène politique et intellectuelle française. Or, si l'on peut assumer qu'une ou plusieurs personnes sont soit ignorantes soit mal informées, on ne peut pas croire qu'elles ont toutes été aveugles, et de plus affectées par le même aveuglement séléctif [...] » (P.297). Cela fait ressortir que l'on peut se demander pourquoi un tel nom, surtout sachant que certain.es de figures de ce F.F sont essentialistes, voir carrément non-féministes. En effet, dans ce corpus on a Freud (Essentialiste), Lacan (Essentialiste), Kristeva (non-féministe) ou encore Irigaray (Essentialiste). Il advient donc, selon l'autrice, de supposer que le nom de F.F vient en réalité pour asseoir un certain imperialisme et permettre de, sous prétexte de culture, justifier un essentialisme. En effet, « ceci est la forme française de féminisme, et bien qu'elle puisse paraître étrange, que dire si c'est ce qui plait aux féministes françaises ? » (P.333). Je n'ai pas énoncé tout les conflits que Delphy a avec le F.F, mais j'espère tout du moins que cette légère introduction aura permise une meilleure appréhension de la chose.
En soi, je n'ai rien à redire à cette critique en tant que tel. Je conçois parfaitement que le F.F est un ensemble de textes très disparates et que l'on a chercher à rassembler de sorte à vouloir remettre au gout du jour la psycanalyse; qu'on a voulue la faire passer pour "féministe".
Discussion sur Butler
Là où j'ai un peu plus de mal cependant, c'est lorsque Delphy metionne Butler. Alors, certes cette dernière parle plus en détails de personnes que je ne connais pas, et on pourrait peut-être y faire la même reflexion; toujours est-il que, en ce qui concerne Butler :
« Le Genre n'est qu'un habit »
Delphy énonce :
“ L'une des failles de la théorie comptemporaine en Sciences Sociales [...] est la perception selon laquelle ce qui est socialement construit n'est pas solide, étant "surimposé", et qu'on peut facilement s'en défaire ” (P.306)
Ici, Butler n'est pas cité.e (iel l'est plus loin et on y reviendra), mais l'implicite ne me choquerait même pas lorsque l'on sait que c'est une critique très connue de Trouble dans le Genre, et qu'iel y a même répondu.e en précisant son propos en faisant un autre livre; livre que Delphy ne cite d'ailleurs pas, bien que paru 3 ans avant l'écriture de cet article [1]. Mais outre cela, d'autres point me perturbent,
“ Seule cette croyance en une nature humaine [...] préexistant au "conditionnement social", peut expliquer la croyance que si nous nous sentons "femmes" ou "hommes", cela ne peut pas être "purement social"; ou la croyance opposée [...] que nous pouvons "choisir de sortir" du système de genre (Butler 1992). ”
Je me demande si on a vraiment lues le même bouquin ? Dans un premier temps, et avant même d'avancer plus avant; je tiens à préciser que si elle cite le livre, elle n'en cite pas moins de passage particulier, ce que je trouve dommage. En outre, Butler, dans la partie qui concerne la représentation / la parodie et la subversion, indique
“ Bien entendu, il ne s'agit pas ici de refuser la politique de la représentation - comme si cela était possible. Les structures juridiques du langage et de la politique constituent le champ comptemporain du pouvoir; c'est pourquoi il n'y a pas de position possible qui soit exterieur à ce champ [... et] [l]a tâche qui nous attends consiste à formuler, à l'interieur de ce cadre établi, une critique des catégories de l'identité que [ces structures] [fondent]. ” (P.65)
“ Si les règles gouvernant la signification ne sont pas purement restrictives, mais qu'elle permettent aussi d'affirmer d'autres domaines d'intelligibilité culturelle [...] alors ce n'est que dans les pratiques répétées de la signification qu'il devient possible de subvertir l'identité. ” (P.271)
“ La construction [du genre entre libre arbitre et determinisme] ne s'oppose pas à la capacité d'agir; elle est la scène nécessaire à cette dernière et elle constitue les termes même dans lequels cette question se pose et devient culturellement intelligible. La tâche majeure du féminisme n'est pas d'établir un point de vue exterieur aux identités construites. Ce serait une prétention vaine […] ” (P.274)
“ Ainsi, une capacité d'agir ou une réalité exterieure aux pratiques discursives qui donnent à ces termes leur intelligibilité ne sont pas possibles. La question n'est pas de savoir s'il faut ou non répeter, mais comment le faire. ” (P.275)
Rien qu'avec ça, j'ai du mal à voir comme Deplhy en arrive à la conclusion de " choisir de sortir "; ou alors j'ai mal interprétée Butler sur trois paragraphes. On pourrait faire le cas du deuxième paragraphe pris isolément et hors contexte, mais ça serait oublier le reste. Autre remarque, Delphy précise,
“ Je veux insister sur ce "simplement un construit social" qui conduit à l'affirmation que "les femmes n'existent pas". Cette compréhension du "social" revient [à dire que c'est] quelque chose qu'on peut prendre ou laisser [...] [E]lles partagent une vision idéaliste, au sens philosophique de l'idéalisme, de l'existence humaine et de la subjectivité : ou bien celles-ci sont "réelles" et alors elles doivent être fondées sur la "Nature" [...] ou elles sont "sociales" et alors elles deviennent "iréelles" [allusion à Butler que je coupe]. Elles peuvent être modifiées et même annulées par l'action humaine, ou simplement par une "interprétation". Pour elles, si le genre est un construit social, cela signifie que les femmes n'existent pas [...] : que c'est une vision du monde à laquelle chaque personne est libre d'adhérer ou non. ” (P.308)
Euh... Non ? Je sais pas pour Alcoff (autre personne qu'elle cite), mais, et cela me semble claire dans les citations que j'ai sortie, Butler n'a jamais parler de choix total ?
L'absence de prise en compte du Réel
Juste après, elle énonce que
“ [...] [...] bref [... cela] est une opinon, ou une croyance mais n'a pas d'effets sur un réel qui serait, en conséquence, ailleurs. ” (ibid.)
Plus loin, elle dit par ailleurs,
“ Il semble donc que, à peine était-il redécouvert et utilisé contre l'essentialisme [...], le constructivisme social a été delayé et banalisé : conçu comme du constructivisme, mais sans le pouvoir de la société [...] réduit à celui d'un «discours» [...] Johana Russ écrit :
‘ Dire que le genre influe sur la réalité est une chose. Dire qu'il n'existe rien d'autre... est tout autre chose…’ ” (P.310)
Pour l'effet sur le réel, c'est une critique, et il est vrai que Butler n'en fait pas mention. Cependant, et peut-être s'agit-il ici pour moi d'une défense trop émotionelle, mais, je souhaiterais dire plusieurs choses. C'est un fait que Butler ne parle que de discours, ne semble égaliser que le genre aux partiques discursives et en oublie les effets sur le réel. Certes. Cependant, n'était-ce pas toi, Delphy, qui a dit que tu ne prétendais pas à une théorie qui visait l'exhaustivité ? Et en ce sens, se concentrer sur le langage, sur ce pan de l'analyse, est-ce si mal ? Je veux dire, il est tout aussi vrai que le discours a une influence sur le genre, les corps. Il est tout aussi vrai - en tant que construction - que le sexe est créer - tout du moins en partie - sur le langage.
Les catégories Femmes et Hommes
“ [...] Alcoff autant que Butler peuvent imaginer l'inexistence ou la disparition de la catégorie "femmes" sans considérer les implications de ceci pour la catégorie "hommes" - une catégorie dont elles prévoient donc implicitement le maintien […] ” (P.308-9)
??????, Euh tu pars dans un délir là ou comment ça se passe ? Je rappel à toute fins utiles que
“ L'hétérosexualisation du désir nécessite et institue la production d'oppositions binaires et hiérarchiques entre le "féminin" et le "masculin" [...] La matrice culturelle par laquelle l'identité de genre devient intelligibile exige que certaines formes d'«identités» ne puissent pas «exister» ” (P.85)
Alors, certes, iel ne fait pas explicitement mention à la catégorie homme, cependant, tout ce que Butler dit concernant les Femmes peut être, sans trop de difficultés je pense, retranscrit littéralement aux Hommes. En ce sens, j'ai du mal à suivre Delphy lorsqu'elle énonce que, « [...] pour elles, la seule construction sociale est "les femmes", pas le genre » (P.309)
Bref, en conclusion général, un livre très intéressant, mais qui m'a tout de même déçue sur la partie "genre" et qui me fait même me demander si Delphy a déjà lue une seule ligne de ce que Butler a pu produire. Je suis d'accord que la tentative d'absoudre la psycanalyse - même en tentant de la rendre culturelle et non essentialiste - bien que très intéressante, reste une certaine impasse; et comme je l'ai dit concernant Psycanalyse Queer, on avait pas besoin de la psycanalyse pour savoir que le genre était imprimé aux gens culturellement. Cependant, comme j'ai déjà pu l'énoncer dans un autre article, je trouve que Delphy - par méconnaissance et incompréhension ? - est extrêmement, même trop, critique de Butler. Je comprends son envie de fustiger le French Feminism et je suis d'accord avec elle, mais elle fait tout comme si Butler faisait partie de ce même mouvement (je trouve), là où, si je me souviens bien, Gender Trouble était une réponse, une critique de ce même French Feminism [ref. nedeed tho]. De plus, même si effectivement, on peut lea critiquer pour avoir passée sous silence le réel, les conditions materielles d’existences, il n'empêche que le zoom sur le performatif et le langage n'est pas une mauvaise chose. Dire que tout n'est pas langage est en effet certes une nuance qu'il faudrait apporter; mais je trouve que Butler, de façon d'ailleurs bien plus convaincante imo que Delphy; et à la même époque, arrive à mettre à mal l'idée de Sexe comme naturel. On rappelera à titre indicatif que Delphy n'y consacre qu'un article (et de façon synthétique) et que Wittig quant à elle ne donne pas réelement d'argumentation convaincante.
[1] Bodies that matter fut écrit en 93', Gender Trouble en 92'. Ce qui est étonnant, c'est que soit on part de l'idée que Delphy lit l'anglais, et auquel cas, elle a pue lire Gender Trouble, et donc on voit mal comment elle aurait pue ne pas lire Bodies that matter (a moins qu'elle n'en ai pas connaissance ? Enfin, ça parait étonnant); soit elle ne lit pas l'anglais, et il se trouve que Gender Trouble a été publié en 2010 (je crois ?? c'est un 2XXX), soit 4 ans après l'article. Dans ce cas-ci, elle se rapporte surement à des on-dit, ce qui est pas ouf.