Comment et pourquoi plus de deux millions d'américains vivent en prison ? Comment les entreprises font-elles profit du système carcéral ? Quels sont les mécanismes qui criminalisent les communautés de couleur et désaffilient politiquement les électeurs des minorités ?
Auteurice.s:
Angela Davis
Commentaire
Donc oui, question rhetorique. Il va sans dire que la position de Davis sur la question est bien évidemment abolitionniste.
Dans le contexte États-Uninen des années 2000, il s'agit pour Davis de décrire succintement les rouages de ce que d'aucun avant elle ont nommé le « complexe carcero-industriel ». L'avantage d'une telle definition étant bien sûr qu'elle permet de se décentrer des prisons seules, pour faire le lien avec le « vaste reseau de liens qui [le] régit » (P.129). Il pourra paraître evident que capitalisme et racisme sont des forces majeures de ce réseau, mais developpons.
Outre l'existence de prison privée, de nombreuses entreprises et industries se font des benefices monstres sur le penitantier. « [D]es savons Dial aux biscuits Famous Amos, de AT&T aux fournisseurs de santé. » (P.120), nombre sont les industries qui en beneficient tellement les prisons sont-elles « saturées de produit et de services » (ibid). Et pour se concentrer maintenant sur le capital lui-même - c'est-à-dire le corps, les prisonnians - on ne compte plus le nombres de produits fabriqués par ces dernians, des personnes que l'on prive par ailleurs de droits. D'ailleurs, et citant ici la géographe Ruth G., Davis avance l'idée selon laquelle, l'incroyable expension des prisons dans les années 80 - alors même que le taux de criminalité était en baisse - serait due a un caractère économique. Situé dans des zones " devitalisées ", cela devait les aider a retrouver l'économie.
Le caractère raciste lui aussi n'est pas loin. On pensera forcément à la sur-representation des personnes racisées dans les prisons, mais l'on sait peut-être moins qu'aux USA, les prisons sont une continuation directe de l'esclavage. En effet, à peine le vote du 13e amendement effectué que « les anciens esclaves qui venaient d'être libérés pouvaient se voir condamner en toute légalité à la servitude punitive » (P.33). La cause ? C'est parce que « [s]elon le Code noir, il existait des crimes dont seuls les Noirs etaient " duement coupables " » (ibid). Et d'ailleurs, la population jusqu'a la majoritairement blanche, se noircifia.
Et outre ces deux caractère, il pourra sembler aussi logique d'apprendre que la prison est aussi sexiste. Outre les VSS encore présentes aujourd'hui, rien qu'avec les fouilles, on pourra relever ce fait interessant. Il est bien connu que le cliché de la femme hysterique, emotive est encore bien présent. Ce que l'on sait peut-être moins, c'est que ce stéréotype joue sur la prison. Car « si la prison jouait un rôle central dans le contrôle des hommes, l'asile a joué un rôle similaire pour les femmes » faisant ainsi, qu'encore en 2003, « les psycotropes sont toujours administrés en plus grande quantité aux femmes » (P.79). De plus, voir la prison masculine comme le modèle de toute prison, et son pendant, l'invisibilisation des penitentiers pour femmes (je reviens même pas sur le cas des personnes trans Cf. Pour elles toutes, les femmes contre la prison) participe aussi à ce mécanisme.
Pour ce qui est des solutions à tout ça (je passe le fait que la prison, ça n'a jamais marché.e Cf. Surveiller et Punir), Davis ne développe pas tant que ça les solutions qui permette de réduire le pouvoir de la prison; et pour cause, toute ces solutions existent déjà. Que cela soit un meilleur réseau de santé psychiatrique, une meilleure école, ou encore les dépénalisations telles que la drogue ou le TDS, cela sont des exemples (non-exaustif) qu'il reste à approfondir et à revitaliser pour réduire l'importance de la prison. Et ainsi, il ne s'agit pas de « rechercher des substituts similaires à la prison [...] mais plutôt de réflechir à un continnum de solutions permettant d'éviter l'incarcération [...] » (P.130). Et ce point est très important, car ne pas faire cela, se concentrer sur une idée sans y voir tout le contexte environnant, c'est ne pas vouloir abandonner une utopie « d'une méthode punitive qui remplirait exactement les même fonctions que la prison » (P.129) et qui fonctionnerait mieux. On demande souvent « Si on supprime les prisons, par quoi les remplacer ? » (P.128). A cette « question piège qui souvent coupe court à toute tentative de reflexion poussée [...] » (ibid), peut-être faudrait-il alors répondre : rien.