Pour mieux agir contre les inégalités, il existe un nouvel outil qui nous vient du féminisme noir : l'intersectionnalité, qui révèle des discriminations parfois invisibles et pouvant se renforcer les unes les autres. Cette notion a été théorisée par une juriste, Kimberlé W. Crenshaw, dans deux célèbres essais de 1989 et 1991 qu'on trouvera rassemblés ici pour la première fois et dans une traduction inédite.
Auteurice.s:
Kimberlé W. Crenshaw
Commentaire
Je suis consciente que le concept d'intersectionnalité est critiquable - j'en avais déjà rapidement parlée avant - mais en l'absence de connaissance poussée dans ces critiques, je trouve ce livre très interessant. Cela permet de mettre en valeur - dans le cas particulier des femmes noires - le fait que bien souvent, les Identités se croisent; et là où il y a sexisme, il faut aussi se demander où est-ce qu'il y a racisme. La conclusion tacle d'ailleurs le mouvement postmoderniste en se sens car « si le projet descriptif du postmodernisme [...] est bon dans son ensemble » toujours est-il que « [c]oncerant les femmes noires en particulier, l'incapacité des politiques identitaires à prendre leur difficultés en considération tient moins au fait que ces politiques adoptent comme naturelles des catégories qui sont des constructions sociales, qu'au fait que le contenu descriptif de ses catégories [...] ont privilégiés certaines experiences [contre d'autres »
Le livre est très claquant par moment :
“ Préferer parler de discrimination « contre les femmes » plutôt que « contre les femmes noires » révèle à quel point la conception juridique de la discrimination sexuelle s'ancre dans l'experience des femmes blanches. Pour [ces dernières] [...] Il n'est nullement besoin de parler de discrimination en tant que femmes blanches, parce que leur couleur de peau ne contribue pas au préjudice [...] La conception de la discrimination qui dérive de ce positionnement considère le privilège de couleur comme une évidence. [Elle] constitue donc le modèle de toute discrimination [...] Toute revendication s'en écarte apparaît comme hybride. (P.24)
Ou encore
“ L'autorité de la voix universelle - en général porteuse d'une subjectivité blanche et masculine qui se prétends non-raciale, non genrée et objective - est simplement transférées à elles [femmes blanches] [...] qui partagent l'essentiel des caractéristiques [hégémoniques]. ” (P.41)
Ce qui lui permet d'ailleurs de critiquer la division sphère public/privé et les idées selon lesquelles « nous sommes socialisées à considérer les hommes comme indépendants, capables, puissants, et les femmes comme dépendantes, limitées dans leur capacités, et passives » en ce que « les hommes et femmes noir.es vivent dans une société fondée sur des normes de genre que le racisme ne cesse de contredire » à l'image de Truth en 1851 qui énonce : « Regardez mon bras ! J'ai labouré, planté, engrangé, sans qu'aucun homme ne fasse mieux que moi - mais ne suis-je pas une femme ? J'ai travaillé comme un homme [...] Et ne suis-je pas une femme ? [...] ».