C'est un fait : il y a des individus qui passent d'un sexe à un autre. Mais, dans ce passage, que signifie « sexe » et quelles sont les conditions et les effets sociaux, politiques et cliniques de ce franchissement d'une différence des sexes pourtant réputée intangible ? Dans une perspective féministe matérialiste, cet ouvrage propose de décentrer la transitude du concept d'identité de genre qui a longtemps orienté sa compréhension. En étudiant les expériences des personnes trans et leurs tactiques pour transitionner librement, il l'appréhende non comme une donnée intérieure à diagnostiquer mais comme une trajectoire sociale et physique. Ce changement de paradigme permet de lui appliquer ce qui reste une revendication féministe centrale : l'autonomie corporelle.
Auteurice.s:
Pauline Clochec
Commentaire
Le livre est divisé en deux parties, une partie plus théorique et politique, et une partie clairement médicale. La première critique l'idée d'identité de genre sur plusieurs points :
•On peut critiquer le vocable trans-identité. On voit ça comme identité parce qu'il y a oppression. Sans elles, on en viendrait à oublier qu'on est trans, tout comme une personne cis ne se sait pas cis (exemple d'une personne trans ayant commencée son THS etc. très jeune)
•Appuyer sur une identité interieure est ce qui rend possible la pathologisation en tant que non visible, subjective. On s'éloigne par la même de la question de la perception du corps réel.
•Cette idée d'une identité déjà-là dissuade de transitionner. Si on est déjà, par exemple, femme, alors pourquoi utiliser de techniques médicales ?
Cette critique général permet de ne plus penser la transitude comme d'un véçu interne, mais comme d'appartenance de classe, de « transfuge de sexe » comme l'a dit Beaubatie. L'idée qui est développée dans la deuxième partie est de ne plus voir la transidentité comme une opposition interne (id. genre) et externe (corps) mais comme un tout externe. Je ne suis pas femme transgenre, mais bien plutôt femme d'experience transgenre. Trans définissant ici le processus de passage d'un sexe à un autre. L'identité de genre ne serait donc pas tant un ressenti qu'une assignation et quand bien même il y en aurait une, en fait on s'en fout, parce que ce qui le rend manifeste est ce changement même, cette assignation. Cela à une conséquence politique importante : ne plus mettre en avant l'identité dans les luttes politiques, et passer à un paradigme de classe. Et on en revient ici aux critiques queer. La multiplication des genres ne sert à rien politiquement* car quelque soit la manière dont on se définisse, c'est l'autre qui nous définira ellui-même, qui nous assignera. On se fait siffler dans la rue en tant que perçu.e comme femme qu'importe qu'on soit une personne FtM ou NB. La base des revendications trans doit être la façon dont est structuré la société hétéropatriarcale et « cette abolition [du genre] est à penser d'abord non comme une affaire culturelle et esthétique, de changment de styles et de stéréotypes, mais en un sens materialiste par la luttre pour la suppression de la division et de la hiérarchisation sexuées du travail et du salaire [...] Un boulversement global [...] culturel et esthétique [...] ne peut procéder que d'une telle transoformation [socio-économique] ». Voir la transitude comme réellement corporelle permet aussi d'éviter l'eccueil de " c'est un ressenti, tu reste du sexe d'origine malgré tes X changements et ta biologie plus proche de celle d'arrivée ". i.e « De l'ensemble des traits qui forment le sexe biologique, les chromosomes, [...] les gamètes, [...] seuls les premiers ne sont à ce jour pas modifiable techniquement » (P.48)
Cependant, ce n'est pas à dire qu'il faille rejeter en bloc toute l'identité dans ces plus vastes recoins. Cette dernière à eu une utilité politique dans l'idée d'auto-determination et à permis, dans une certaine mesure, l'evitement de la pathologisation. Comment médicaliser ce qui n'est que naturel ? En ce qui concerne les politiques de l'identité, elles sont vite décriées comme uniquement identitaires, mais on oublie bien souvent qu'elles ont aussi une base socio-économique (aux USA tout du moins).
Du côté médical maintenant, Clochec rappelle que la question des hormones est un vaste sujet de débat tant trans/médecin.iennes que à l'interieur du groupe trans' à l'instar du fameux Androcure souvent dénigré pour des complications médicales (elle parle de méningiomes, de baisse de libido et de dépression), alors que, tout d'abord les effets sont très variés selon les personnes et que, de plus, le risque de méningiomes devient significatif à partir de cinq ans de prise ([reference nedeed]), largement suffisant pour les personnes voulant faire des ablations - annulant la T totalement et permettant de supprimer l'Andro' par la même. Elle rappelle aussi que la transitude et le corps médical ont connus différents paradigmes, différentes vision de ce qu'elle est.
•Une vision Transvesitite : naturel (bio), diagnostic différentiel (vrais Vs. faux) et changement de sexe
•Une vision Transexuelle : vision plus psychique d'un écart, recodage matriel -> psychique [1], diagnostic là aussi differentiel par selection, changement de sexe / THS
•Une vision Transgenre : refus de la clinique, impossibilité de distinction effective, variation de genre et non de sexe
Ce rappel permet à Clochec de passer à une vision du consentement éclairé déjà présente aux USA depuis de nombreuses années. « Ecarter la nécessité de la connaissance de l'origine du fait trans doit être étendu à la question du substrat psychique de ce fait [...] » tout comme ce fut le cas avec le substrat biologique. « Il ne s'agit pas de faire de l'identification de qualités psychiques [...] sous-jacentes aux pratiques et désirs des patient.es la condition [...] de l'accès au soin ». L'identité étant toujours reconstruite à posteriori par des practicien.nes à partir de pratiques, désirs etc.
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Tout d'abord, c'est un livre extrêmement puissant. Que l'on soit d'accord avec ses idées ou non, force est de reconnaître qu'il pose des questions extrêmement intéressantes. Je pense que, personellement, ce qui me gène avec le materialisme tel que je peux le voir ici, est un sentiment - peut-être infondé - d'une violation, d'un viol presque, de mon être. Par la mise au second plan de l'identité, voir de sa réfutation, il est dur de ne pas se sentir violement attaqué.e pour quiconque vit dans le « paradigme transgenre ». Je pense surtout aux personnes qui sont en questionnement voir en début de transition et qui ont besoin de se fixer, de se rassurer que c'est " à elleux ", de pas voir ça comme une imposition sociétal en quelque sorte. Je pense aussi à une phrase que j'avais pu écrire : « Ce n’est pas à dire que ces même mots que je semble décrier soient inutiles cependant, et je reste d’avis que la labélisation à cela de bien qu’elle permet de fixer un flou ontologique pour quiconque ne pouvant vivre dans ce même flou ». Cependant, force est aussi de reconnaitre, dans mon cas, que cette identité ne fut pas "inée". A l'instar de Serano, je ne me suis pas « sentie femme avant de transitionner, mais d'avoir su que [je] voulai[s] être une femme ». Il y a confusion entre le sentiment de vouloir être, et d'être réellement. Et ce n'est que depuis que je vis effectivement comme, que j'ai pu avoir ces sentiments impulsifs de " me sentir femme " dans mon apparence. Mais passer ce cap de la violence ressentie, les arguments sont très intéressants. Et c'est d'ailleurs ici que je vois un potentiel rapprochement avec Butler. Clochec à beau critiquer le mouvement queer pour sa subversion, toujours est-il qu'elle semble d'accord avec Butler sur le fait que l'identité n'existe pas (ce qui me fait demander si elle l'a lu, parce qu'elle en parle pas).
Par contre, j'ai un peu plus de mal avec le penchant biologisant et j'ai faite exprès de citer le phrase avec les caractéristiques sexuelles. Parce que déjà, de un, non - à ma conaissance - on peut pas recréer la production de gamètes (même si j'ai entendue parler de greffe d'utérus); mais aussi et surtout, parce que bien que cette vision permetterait de foutre en l'air l'idée terf de "c'est dans ta tête" etc. ça pourrait redonner du poids à l'autre idée de "femme biologique". Car si trans est un processus de passage d'une classe de sexe à une autre (ou « comme passage d'une assignation sexuée d'origine à une tentative pour ne pas integrer une catégorie sexuée existante, dans le cas de la non-binarité »), j'ai du mal à voir comment ça pourrait pas servir d'argument - détourné - à " oui mais t'as pas fini ton processus, donc exclusion ". C'est le même argument que j'avais sortie quand j'avais commencée à lire Materialisme trans à savoir : « [...] et j'ai repensée à mon screen.... et je me demande a quel point leur déf exclue les personnes trans pre-THS ou ne souhaitant pas s'hormonaliser. Parce qu'à ma connaissance, à par peut-être une internalisation de certains standards feminin, je suis pas spé' opprimée du à mon passing masc [...] ».Après, j'ai p'être mal comprise, et puis dans tout les cas, imo, t'auras des dérives partout tout le temps; mais bon.
[1] c'est-à-dire qu'on va interpréter des désirs, des pratiques etc. comme d'une essence