« Je sais que je ne suis pas un homme... et j'en suis venue à la conclusion que je ne suis probablement pas une femme non plus... Le problème, c'est que nous vivons dans un monde qui exige que nous soyons l'un ou l'autre. » C'est avec ces mots que Kate Bornstein emmène ses lecteurs dans un voyage drôle, intrépide et merveilleusement pittoresque à travers les terrains du genre et de l'identité. Avec une nouvelle introduction de l'auteur À un certain niveau, Gender Outlaw détaille la transformation de Bornstein d'homme hétérosexuel en femme lesbienne, d'ancien commercial chez IBM en dramaturge et artiste de scène. Mais cette histoire particulière de passage à l'âge adulte est également une enquête provocante sur nos notions de masculinité et de féminité, menée par une personne qui se décrit elle-même comme une femme transgenre non binaire et dyke diesel, qui ne cesse de remettre en question nos préjugés culturels. Gender Outlaw était en avance de plusieurs décennies sur son temps lorsqu'il a été publié pour la première fois en 1994. Aujourd'hui, quelque vingt ans plus tard, ce livre est à la fois un classique et une œuvre toujours révolutionnaire, qui continue de nous pousser doucement mais profondément vers les limites les plus lointaines de la frontière du genre.
Auteurice.s:
Kate Bornstein
Commentaire
On va commencer par les bon points parce que je suis d'avis que y a toujours quelque chose à resortir de bon sauf Frederici, fuck off.
Bornstein à de très bon points dans son livre. Notemment, iel reprends les règles de genre de Garfinkel; règles qui m'ont quelque part faites pensées aux régles du système de genre de Wilchin. Je préfère ces dernière en ce qu'elles sont selon moi plus axiomatiques que celles de Garfinkel, mais dans tout les cas, les sortir est une bonne chose. Lié à ces régles, l'auteurice énonce très justement qu'el faille les casser, et non pas pour entrer dans un monde " androgyne " - un piège du système de genre selon iel - mais un monde " genré " différement (je reviendrais plus tard sur ce point). J'apprécie aussi énormement la discussion de Bornstein sur la notion de sexe, et qui, un peu à la Delphy, le break down en ses composants pour en montrer son absurdité. Parlant du genre, Bornstein à aussi réalisé·e une analogie que je trouve ultra pertinente. Discutant du BDSM et de son concept de Sure, Sain et Consensuel; l'auteurice cherche à l'appliquer au genre lui-même. Le genre est censé être Sûr (ne pas être violenté pour son genre), Sain (ne pas être une binarité rigide) et Consensuel (on devrait avoir un choix dans l'affaire). C'est une analogie que je trouve tout à fait pertinente et qui peut servir d'heuristique très interessante pour guider une liberation du genre.
Ceci dit
They're a Marxist, and it shows.
Je crois, j'avais comprise des les premières pages que Bornstein était à affinité Marxiste et ce, avant même qu'iel en parle vers la fin de son livre. Je pourrais critiquer le livre de mon point de vue queer pendant des heures, mais j'aimerais insister sur quelques points.
Le livre est - et etrangement - une compilation des choses à ne pas faire en tant que personne queer, et notemment en ce qui concerne le romantisme de la subversion. Dans une section de son livre, Bornstein évoque le fait qu'iel ai rejoins par le passé un culte de scientologie et que cette experience lui a permis·e de voir le genre comme d'un culte. Et bien que je ne sois pas totalement en contre-avis avec cette vision, c'est plus la suite qui me dérange. Dans " les mythes genrés " Bornstein évoque quelques mythes à propos du genre dont el faille se defaire. Notemment, et c'est celui qui m'interesse, qu'el ne faut pas se voir comme les " personnes choisies " par un pouvoir superieur. Or, que fait Bornstein durant tout son livre ? Agir d'une manière similaire. Sans affirmer avoir été choisi·e, l'auteurice semble tout de même écrire avec un mepris total pour les personnes binaires ou même cherchant à passer. En page 112 par exemple, et contrairement aux gens avec des genre fluide, Bornstein écrit que " au contaire, la majorité des personnes trans binaires s'expriment de façon conservatives ". Et en page 164 que " les concept de passing est fondamental à notre culture de la transsexualité [sic]; et en tant que tel les transsexuel·les ne questionnent pas le système de genre qu'iels pourraient détruire. A la place - et au travers du passing - la culture utilise ces derniers pour renforcer la binarité de genre pendant qu'iels cherchent à atteindre reconnaissance et privilèges ". A quel point faut-el être biaisé·e pour imputer aux personnes trans de renforcer le système de genre ? A quel point ne voit-iel pas là que c'est la même retorique TERF (et qu'iel critique) qu'iel ressors, mais non plus à l'encontre des butch/femme, mais des personnes trans ? Je lisais quelque part que l'article de Kessler et McKenna, bien qu'interessant, avait tout de même le défaut de prendre les personnes trans à parti. En insistant sur le fait que les personnes trans deconstruisent le genre, on en vient a faire un focus fetichisant et ce, alors même que de nombreuses personnes cis pourraient aussi servir d'exemples. Et je n'ai qu'une question à poser : n'est-ce pas là exactement ce que fait Bornstein ?
Deuxième point, l'imperialisme de la personne, wouah; c'est chaud·e. Non seulement n'arrête-t-iel pas de parler des Shaman comme des personnes trangressant le genre dans leur culture [1] et allant jusqu'à les designer comme " ses ancêtres " [2], mais en plus affirme-t-iel que les Hijra d'Inde sont un exemple parfait de 3e genre, ce qui est totalement faux - et quelque chose que ma lecture de Trans/Rad/Fem avait confortée.
Enfin, je suis extremement perturbé·e par la vision du genre de Bornstein. Je l'ai deja dis, je suis d'accord avec iel que le genre à une part de système, une part oppressive. Et je suis d'accord avec iel que cette part doit disparaitre. Cependant, en concevant le genre comme d'un système binaire, en se focalisant beaucoup sur cette partie, et surtout, en pensant que le genre est une performance, on en arrive justement à ce que je critiquais dans le premier point. Pour être honnête, je ne sais pas si Bornstein à lu·e Butler. Mais quoiqu'el en soit, toujours est-el que sa vision du genre comme performance m'y fait très penser. El y a beaucoup de gens qui lisent (et, mal) Butler ainsi. Le problème avec cette vision, c'est que justement, cela amène à recréer une hiérarchie derrière. Car si le genre est une performance, si le genre est quelque chose que l'on peut changer à souhait, alors el devient évident que supprimer le genre devrait créer une société purement fluide et dans laquelle tout le monde pourrait agir de la manière qu'iel veut. Outre la non-prise en compte de la remarque de Foucault sur ce point, c'est mettre en exerge les personnes fluides au dessus des personnes non-fluides, et ainsi re-créer la binarité que l'on voulait au départ effacer.
ça explique pourquoi je ne suis pas Marxiste et que je hais la vision du genre en tant que classe. Tout comme le marxisme fait un reductionnsime de classe en ne prenant en compte que la lutte des classes, et que le Marxisme-Léninisme re-créer cette hiérarchie en oubliant l'oppression gouvernant-gouverné·e; de la même manière le féminisme Marxiste (edit : materialiste ?) a-t-il cette tendance execrable à reinstaurer une hiérarchie de genre en voulant en sortir. Je ne dis pas que le genre n'a pas une composante de classe; et je suis très consciente qu'à l'échelle macro c'est une description interessante. Mais je la trouve reductrice et en tant qu'anarchiste, je ne peux m'arrêter à cette simple description, et raison pour laquelle je suis bien plus interessé·e par la vision en tant que pouvoir diffus et qui nous assujetit touste.
Je pourrais continuer encore longtemps sur ce livre et sur sa tendance à ne pas vouloir seulement flouter les frontières de genre, mais carrement à les voir disparaitre en tant qu'elles seraient oppressives par nature (quelque chose que l'on peut critiquer à partir du moment où l'on a la liberté de les transgresser). C'est un des gros points de Bornstein, et je suis aussi en désaccord avec puisque j'ai plus de facilité a voir le genre comme un réseau de Wittigenstein bien plus qu'un ensemble de classes rigides. El est peut-être effectivement analytiquement plus facile de le voir ainsi, mais c'est selon moi se faire un deservice, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord avec Escalante qui énonce que toute les identités sont mauvaises en ce qu'elles ne sont que " des cages en plus grand nombre ". Je suis d'accord que le prescriptif influe sur le descriptif, et je ne nie pas que les identités reprennent de la norme dominante; mais j'ai beaucoup de mal avec cette vision (commune avec Bornstein) qui les voient comme deux cercles concentriques bien plutôt qu'à intersection non-nulles; une vision qui oublie la possibilité de parodier la parodie et qui justifie de jeter le bébé avec l'eau du bain. (et je pourrais aussi critiquer sa vision du privilège masculin, mais je vais m'arrêter là).
Avant de finir, j'aimerais aussi dire que je suis ambivalente sur sa description des TERF. Plus précisement, de sa description de l'exclusion. Bornstein différencie très justement que Oppression n'est pas Exclusion et qu'en ce sens les TERF ne nous oppressent pas lorsqu'elles nous excluent de leur meeting en non-mixité. Cependant, pour un mouvement qui prends de l'ampleur à l'heure actuelle, je me demande quand même si cette vision peut toujours tenir. Enfin, je suis assez choquée par sa vision " accepter nos difference " lorsqu'iel dit que - du côté des TERF comme du notre - nous devrions avoir une bonne conversation (presque dans la joie et la bonne humeur).
En conclusion, je souhaiterais dire que Bornstein s'est reprise dans son introduction a cette nouvelle version; mais que c'est là aussi, selon moi, son défaut. Que veux-je dire par là ? Dans son introduction, et tout en gardant une certaine vision du genre comme devant être fluide, Bornstein énonce s'être détaché de son idée d'abolition de genre, préférant s'éloigner de toute vision critiquant le fait d'être incorrectement genré. C'est une évolution que je salut, a ce seul défaut que cela rends le livre confus. Le livre est censé être une version révisée et mise à jour (à part quelques passages laissés tels quels), tout du moins du côté vocabulaire. Mais comme c'est pas très clair dans ma tête de ce qu'iel voulait dire par " revised and updated ", j'avoue que j'ai du mal à discerner ce qui est de l'ancien de ce qui est du nouveau.