Comment dépasser la binarité de genre caractéristique de la langue française ? Cet ouvrage recontextualise l’apparition de l’écriture inclusive, questionne ses usages et recense les multiples alternatives possibles apparues depuis de nombreuses années. Si l’écriture inclusive et le « fameux » point médian ont ouvert la voie vers l’égalité des genres, il leur est aujourd’hui régulièrement reproché de reconduire cette binarité. Des initiatives portées par des dessinateur·ices de caractères typographiques offrent des espaces inédits afin de dépasser les hiérarchies de genre et les impensés théoriques tacitement induits par l’écriture inclusive. L’analyse historiographique de ces nouvelles formes typographiques apparues dans ce contexte a conduit Camille Circlude, membre fondateur·ice de la collective Bye Bye Binary, à considérer la portée politique du dessin typographique et l’a mené·e vers le concept de post-binarisme politique. La typographie est ainsi appréhendée comme une technologie émancipatrice permettant de résister à l’hégémonie et d’habiter l’hybridation des formes et des caractères. Le dessin de caractères typographiques inclusifs, non-binaires et post-binaires offre aujourd’hui la possibilité de matérialiser les existences queer, non-binaire, genderfluid, agenre et genderfucker dans ces espaces partagés et symboliques que sont la langue et l’écriture. Bien qu’il ne soit pas possible, ni souhaitable, de figer l’histoire de la typographie inclusive, Camille Circlude présente dans cet ouvrage un état des lieux de six années d’expérimentations (2017-2022) d’une pratique qui ne cesse de se propager, et qui continue de s’écrire au présent.
Auteurice.s:
Camille Circlude
Commentaire
Le livre commence par une partie théorique vachement interessante et plus portée sur la linguistique et l'identité. Parmis les point soulevés, je me souviens spécifiquement du contre-argument le plus puissant que j'ai pu lire à ce jour à l'encontre du masculin comme neutre; à savoir l'idée selon laquelle si le féminin comme neutre est considéré comme une impossibilité (et à juste titre) et décrié comme tel, alors pourquoi cela ne serait-el pas le cas aussi du masculin-comme-neutre. J'ai été grandement surprise aussi de voir une discussion très intéressante à un moment donné du livre sur le mythe du génie. Chose à laquelle je n'avais pas forcément penser, le livre articule l'idée selon laquelle, el existe un mythe selon lequel toute les idées viendraient d'une seule et même personne; evinçant par là-même l'ensemble des contributions d'autres personnes, et chose à laquelle la collectif ByeByeBinary (qui créer des fontes post-binaires), cherche justement à se prévenir. Car la chose est non seulement interiorisée, mais elle est aussi institutionnalisée. Que cela soit la façon dont les médias présentent les résultats ou même le concept de porte-parole, notre société est imbibé de cette idée du génie. Une idée qui, et si je peux pousser l'argumentaire plus loin (ne me souvenant plus si elle est indiqué dans le livre), à bien l'air d'un bon gros mécanisme de la suprémacie blanche.
Tout le reste du livres est interessant, même si cela m'est moins engageant au vu du sujet, mais j'apprécie tout de même la différenciation que Circlude effectue entre typographie non-binaire et post-binaire, indiquant par la même que ce qui est bien souvent appelé typographie non-binaire n'est en réalité qu'une facçon de réintroduire une certaine forme de binarité. " Décoré.e " par exemple ne fait que mettre ensemble le masculin et le féminin, et ne cherche nullement à depasser ce cadre binaire. C'est donc ce à quoi vont s'atteler les typographies post-binaires, cherchant ainsi à utiliser l'épicène par exemple. J'apprécie aussi grandement l'annexe à la fin du livre montrant quelques exemples de typographies (non/post)-binaires et de langages non-standards.