Stone Butch Blues raconte l'histoire de Jess, né·e aux États-Unis dans les années 1950 au sein d'une famille juive et prolétaire. De son enfance rythmée par les interrogations des passant·e·s sur son genre (« c'est un garçon ou c'est une fille ? ») à son adolescence et sa découverte des bars de nuit où se côtoient lesbiennes, drag queens et travailleuses du sexe, de ses premières embauches en usine avec d'autres butchs à sa transition, jusqu'à sa rencontre avec le mouvement LGBT naissant, son parcours traverse les décennies et nous parle d'amour, d'amitié, de politique, d'identité. Par dessus tout, Stone Butch Blues est un hommage à la solidarité et à la construction de ces communautés qui nous permettent de tenir ensemble et de survivre à la violence de ce monde.

Auteurice.s:

Leslie Feinberg

  • Roman Lesbien Historique
  • Commentaire

    Que dire si ce n'est un mot : bittersweet

    Ce livre a été tel un mur de brique que l'on percute à toute vitesse; surtout les premiers chapitres, mais jusqu'à la fin. Jusqu'à la fin il y a eu des passages qui m'ont profondément marquée, attristée. Je me souviens qu'en lisant les premiers chapitres, des larmes ont coulées sur mes joues. La violence décrite dans ces pages de part le non-dit, de par la lecture d'entre les lignes. Je crois qu'une écriture est forte lorsque l'on arrive à susciter des émotions non pas avec ce que l'on dit, mais avec ce que l'on met de côté; dans le " contre-champ " [1] - ce qui ne se voit pas. Je n'ai pas ressentie la douleur, mais j'ai eu l'impression de compatir, ne serait-ce qu'un peu.

    Sur un autre registre, ce livre est effectivement aussi doux. Il y a de ces passages qui marquent une pause, qui nous font dire " ça y est, c'est fini.e… Pour le moment". Car - et c'est aussi la dureté de l'oeuvre - ce n'est jamais fini. Bien qu'il y ait des moments de joie, de repos; ce n'est que ça : du repos. Jamais de la tranquillité. Je me souviens m'être dite, vers le milieu du livre que la douleur était passée, que le livre avait viré de ton, que " le passé était derrière nous; avec toute ça tristesse et sa douleur ". Mais non. À la fin de ma lecture, je porte un regard bien plus ambigue sur l'oeuvre. Certes le milieu d'ouvrage fut un moment plus léger; mais - et pour revenir à ce que je disais précedemment - ce n'était qu'un repos.

    Changons de sujet. Ce livre m'a aussi permise d'imaginer davantage ce que c'était de vivre à cette époque. Je me souviens que pendant un moment, j'avais utilisée le terme « butch » pour décrire une apparence plus masculine que j'apprécie. Puis, j'ai entendue parler de Butch/Fem comme quelque chose se rapprochant plus d'une identité; et ce livre n'a fait qu'enfoncer le clou de ma décision de ne jamais utiliser ces termes. Il y a là-dedans une identité avec laquelle je ne peux me reconnaitre. Sans même parler du contexte historiquement violent, il y a toute une façon d'être qui m'est étrangère. Ce livre m'a permise d'y voir un peu plus clair.

    C'est un livre très touchant, qui évoque des sujets très interessant comme par exemple, un dont je n'ai pas parlée ici : celui de la recherche d'identité. Des titubements que l'on effectue pour chercher notre place dans la pénombre; sans rien y voir. Ou plutôt sommes-nous au milieu de l'océan, sans aucun recoins ni même barre sur laquelle s'accrocher. Près de la noyade, nous peinons à sortir la tête de l'eau. Il y a de ces sentiments qu'il est difficile à décrire, mais je pense que le livre le fait très bien. Au moment où Jess a peur de prendre des hormones, au moment où [ ], pétrifi[ ], ne se sent sent plus de prendre des hormones aussi. Tout autant de tatonement dont on est pas trop sûr.e de savoir où est-ce que cela va nous mener.

    Si je n'aurais qu'une chose à dire, ça serait bien de vous demander pourquoi, bordel de merde, vous ne l'avez donc pas encore lu ? Pourquoi donc.

    [1] Je pense à Lauretis ici.

    EDIT : autre point qui m'a marquée et que j'ai oubliée de mentionner. La cassure au milieu du livre. Avec l'arrivé de Theresa, c'est comme si on changeait d'univers; d'époque. L'universitaire arrive, et chamboule les milieux gays et lesbien déjà existant.