Aucun amateur de cuisine épicée ne se verra privé de liberté ou victime d’ostracisme pour avoir satisfait ses papilles gustatives. En revanche, on peut être jeté en prison pour trop aimer les chaussures en cuir. De même, l’homosexualité, le sida, la pornographie, le transsexualisme, et aujourd’hui la pédophilie, donnent lieu à ce que Gayle Rubin appelle une « panique sexuelle ». Chaque panique désigne une minorité sexuelle comme population-cible. Au terme du processus, celle-ci se trouve décimée, et la société tout entière, juridiquement et socialement, réorganisée. Pour traiter de cette question, Gayle Rubin a jeté les bases d’un champ autonome d’études sur le sexe où désir, jouissance et diversité érotique pourraient trouver leur raison théorique et politique. Nous sommes loin ici du communautarisme béat qu’on prête parfois en France aux intellectuels américains. Les critiques de Judith Butler sont vives : « les lesbiennes n’ont rien d’autre en commun que leur expérience du sexisme et de l’homophobie », ou ses réserves sur le coming out : « La sexualité reste-t-elle sexualité quand elle est soumise à un critère de transparence et de révélation ? Une quelconque sexualité serait-elle possible sans cette opacité qui a pour nom inconscient ? » Gayle Rubin et Judith Butler soulignent constamment la nécessité de ne pas troquer une violence contre une autre, une démonologie religieuse contre une démonologie laïque, laissant sa chance à l’érotologie moderne.

Auteurice.s:

Judith Butler, Gayle Rubin

  • Etude de genre
  • Commentaire

    Penser le genre

    A RELIRE

    Imitation et insubordination du genre

    De ce que je comprends du texte à l'heure actuelle (ça reste du Butler hein XD) :

    Le CO n'est pas utile en ce qu'il ne fait que reporter le placard à autre. C'est-à-dire qu'à une indetermination du « je », lui succède une indetermination du « terme ». Ici Butler parle en tant que Lesbienne, et elle est consciente que ce terme n'a pas la même signification pour touste; qu' « on ne sait jamais très bien ce qu'on signifie quand on invoque [ce] signifiant [...] Les lesbiennes ont-elles quelque chose à partager et, dans ce cas, quoi ? Qui peut en décider ? [...] Ces efforts n'ont jamais produit qu'un ensemble de contestations et de refus qui devraient maintenant clairement nous montrer qu'il n'existe aucun trait nécessaire, commun aux lesbiennes [...] ».

    Autre point problématique est la polarisation Interieur/Exterieur. Car s'il existe un interieur, un « placard », c'est forcément qu'il existe un dehors qui « produit le placard, [...], pour se maintenir lui-même comme dehors ». Pire, c'est cette dialectique qui, selon Butler, « produit l'attente et garantit la déception [...] dont [sa] signification [au placard] ne s'acquiert que dans cette polarisation ». Attention cependant, il ne s'agit pas la non plus de critiquer tout emploi de ces terme, de « légiférer contre l'emploi de ces » derniers - quelqu'il soit - mais bien plutôt de se demander en quoi « [ces] catégorie[s] deviennent le lieu d'un choix éthique ? ». Car si la sexualité se doit d'être révélée, « que choisir comme déterminant vrai ? ». Dès lors, il ne s'agirait pas de se concentrer sur décrire une spécificité de la sexualité lesbienne en utilisant les « Outils du Maitre » [1], mais bien plutôt de « retourner la construction homophobe de l'exercice raté contre le cadre qui donne à l'hétérosexualité le privilège de l'origine, et ainsi de faire dériver le plus ancien du plus récent »

    On retrouve dans ce texte nombre des points qui sont cher à la théorie queer, c'est-à-dire le flouttage des identités, et leur multiplications dans un but subversif de renversement des normes; tout en restant à l'interieur d'un système dont on ne peut échapper. Et bien que je soi d'accord avec Butler sur le fonds de son texte, je m'interroge tout de même.

    Je suis d'accord avec iel que les mots sont polysémiques et qu'une tranche non négligeable, si ce n'est la totalité, de la population concernée est au clair de ce à quoi ces mots s'appliquent. Et tout comme l'hétérosexualité est une imitation, « ce qu'elle [imite étant] un idéal fantasmique [...] produit même de son imitation », ne pourrait-on pas voir ces termes comme de même, rendant la chose encore plus flou ? Dès lors, on peut pertinemment se demander de l'utilité de faire un coming-out, chose d'autant plus clair avec les développements récents. Avec ""l'apparition"" [2] des identités NB, le terme est devenue de plus en plus vague, et il y a même des tensions internes quant à sa définition. Mais même sans parler des communautés LGBT - dans lequelles un CO n'est, de toute façon et encore moins, requis, voir même senti comme nécessaire; rien que dans les communautés plus mainstream, nous pourrions légitimement nous demander de l'interêt d'un tel processus qui, potentiellement, ne fait qu'assombrir les choses.

    Cependant, je souhaiterais néamoins nuancer les propos de Butler. Car bien que d'accord avec cela, toujours est-il qu'à l'heure actuelle, besoin s'en fait sentir par les personnes concernées. Il ne s'agit selon moi pas tant d'un problème dont la focale serait d' « accéder [...] à une nouvelle zone d'opacité » mais dont l'importance est bien plutôt de se sentir accepté.e tel.le que l'on est. Qu'importe de ne pas comprendre en définitive. Et, suivant le fameux adage, je voudrais dire, To hell with comprehension. Je ne demande certainement pas aux personnes à qui je fais mon Coming Out de comprendre toute les implications derrières le terme dont je fais le CO. Je ne leur demande pas de se mettre à ma place, ni même d'imaginer quoique ce soit. Le CO est avant tout - selon moi - une démarche d'acceptance, de reconnaissance; d'évitement de non-dit. Il s'agit là bien avant tout de faire part d'une différence, qui, si elle n'en est pas moins flou ou bien incompréhensible par certain.es, n'en reste pour autant pas moins sujette à violence entre autre choses. Alors, oui, en définitive, le CO est naucif et il n'amène pas à grand chose dans la compréhension. Oui, dans un lointain horizon, il s'agirait de le détruire en tant que polarisation néfaste. Cependant, oublier le véçu personel des individu.es qui font ce CO en tant qu'iels recherche aussi de l'acceptation de par leur entourage est, selon moi, se priver de tout un pan de l'analyse que j'aurais aimer voir développer.

    Autre critique, la subversion. Bien que dans un premier temps une idée intéressante - celle de retourner la hiérachie constitutrice Hétéro -> Homo en Homo -> Hétéro, la rendant par la même caduque - il ne faut pas oublier - au vu du regard rétrospectif que nous pouvons avoir aujourd'hui, ce qui n'était pas forcément le cas il y a vingt ans - que cela n'a sans doute pas eu les effets escomptés, ou en tout cas, pas dans la mesure à laquelle cela était attendu. Car un renversement n'a d'une part pas tellement eu lieu, ou alors seulement majoritairement confiné dans ces même cercles qui en étaient eux-même déjà plus ou moins convaincu.es (et encore !) - mais en outre cela créer potentiellement une autre exclusion. Car s'il est vrai que se rendre visible, inverser les termes du débat, est une façon valide d'agir, toujours est-il que cela n'est réservé qu'a des personnes ayant la possibilité de le faire dans un premier temps (je reprends ici la critique du queer comme ne sortant pas du capitalisme). Quid des TDS, des personnes en précarités ? Surement ces dernières ont autre chose à faire que de s'atteler à subvertir les normes. C'est d'ailleurs en ce sens que la théorie queer manque à mon avis, et l'apport du materialisme de ce côté-ci. D'où la nécessité - plus que jamais - peut-être, d'un « Materialisme Queer », voir - pourquoi pas - d'un « socialisme queer »; ou même, selon les mots de Frederico Zappino : d'un « Communisme Queer »

    (Et oui, vous l'aviez pas vu.es venir celle-là hein ! Remarque, logique, moins non plus XD je m'attendais pas à en arriver à citer un livre que j'ai pas encore lu, mais dont le développement de cette critique me hype encore plus pour le lire XDDD)

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    En vrai, je recommande tout de même le texte. Il est pas forcément simple dans son phrasé - lui et le suivant - mais ils permettent une introduction aux thématiques sur lesquelles Butler à travaillé.e sans pour autant avoir à lire _Trouble dans le genre_ Ou bien _Ces Corps qui comptent_ [qui faut que je lise un jour, soit dit en passant]. D'une façon _relativement_ digeste - et là je m'auto-cite : « ça reste du Butler hein XD » - ça permet de comprendre les thèmes de l'imitation sans original, de la performativité et toutes ces joyeustés.

    [1] j'empreinte cette citation à Audre Lorde.

    [2] Pardon du terme, mais je vois pas comment le dire autrement. C'est imo, déjà mieux que ""popularisation"".