« Aujourd’hui, devenir pute est encore plus rapide que de se créer un compte Instagram. Notre ère 2.0 a déplacé le tapin de la place publique à l’intimité de nos smartphones et les hommes peuvent désormais se commander une fille aussi facilement qu’on commande un Uber. Leur fantasme ultime ? La professionnelle qui exerce par passion. Moi, je suis entrée dans la puterie pour subvenir aux besoins de ma môme, un peu comme l’aurait fait Fantine si elle avait vécu au XXIème siècle. Je suis devenue Alma, masseuse naturiste et sensuelle qui monnaie ses charmes pour 120 euros l’heure. Je pensais déjà tout savoir et j’y ai tout appris : les hommes, avec tout ce que leurs désirs révèlent, les femmes, avec tout ce qu’elles ignorent, les ravages de la morale, le mythe de l’argent facile, l’hypocrisie d’une société biberonnée au porno. Huit cents clients plus tard, j’en tire une seule conclusion : pute n’est pas un projet d’avenir. Mais ne nous leurrons pas non plus, nous sommes tous la pute de quelqu’un au moins une fois dans notre vie. À vrai dire, j’aurais gagné un temps fou si tout ceci m’avait été appris lorsque j’avais 20 ans. »

Auteurice.s:

Louise Brévins

  • Travail du Sexe
  • Commentaire

    Si je devais résumé ce livre, je dirais tout d'abord que je suis étonnée. Au vu du titre, je m'attendais à voir un livre pro-abolitionniste mentionnant la loi de criminalistion des cilents [1] et le cas de l'Allemagne ou des US. Je m'attendais à une diatribe véhemente du TDS. Sans entrer non plus dans la romantisation ou que sais-je, j'y ai au contraire trouvée quelque chose d'_un peu_ plus nuancé. Ce livre est - comme le précedent que je lisais - un rassemblement d'experiences. Il s'agit - mis bout à bout - de descriptions de clients. Forcément, on s'en doutait, il y a la masse des clients chiants voir des clients ultra connard. Mais, dans le lot, se démarque aussi des clients plutôt sympathiques voir carrément aréables, aussi peu soient-ils. Ce livre se résume en

    1. le titre

    2. les deux régles qu'elle énonce :

     - C'est une question de survie.

     - C'est au service d'un plan.

    Plusieurs choses me perturbent cependant dans ce livre.

    Dès la quatrième de couverture, l'autrice fait mention du fait qu'elle a « connu tous les âges, tous les milieux sociaux [...] », mais qu'en même temps, elle est devenue, « Alma, masseuse [...] qui monnaie ses charmes pour 120 euros l'heure ». Et même sans retrouver exactement la phrase où elle énonce qu'elle a connu quelques clients très fortunés, mais que dans la plupart des cas, il s'agit de personnes de la classe moyenne/haute; je m'interroge. Parce qu'il faut bien gagner assez pour pouvoir déboursser plusieurs fois 120 euros.

    Autre chose, les remarques un peu étrange dans la première moitié du livre :

    “ Certains hommes veulent des Blacks, d'autres des Chinoises, des Beurettes, des grosses, des très maigres […] ” (P.40-1)

    “ Un nombre particulièrement important de mes clients se sont plaints de leur dificulté a trouver une fille « enthousiaste ». Ils m'ont racontés [...] la façon dont le marché était saturé par les Beurettes de quartier, [...] les Blacks qui te reçoivent chez elles avec leurs gamins [...] et que, lorsque enfin, ils en trouvent une qui soi à peu près propre, décente et éduquée […] ” (P.64)

    “ C'était un bel homme d'une trentaine d'années qui aimait son piano et son chat. Il travaillait dans la finance. J'ai eu du mal à croire qu'il ne soit pas gay, pourtant c'était bien le cas.” (P.90)

    Avant de parler plus avant des deux premières citations, qu'est-ce qui te fait croire - dans ce que tu viens de décrire - qu'est-ce qui implique d'être gay ? Travailler dans la finance ? Aimer le piano ? Avoir un chat ? c'est pas les lesbiennes ça ?? /j Je veux dire, en dehors de la question de pourquoi tu te permets cette remarque, j'ai l'impression ques les clichés sont pas les bons. Ou alors est parce que piano = effeminé = gay ? Pour ce qui est du reste, je suis très perturbée par son utilisation des termes « Beurette » et « Black ». Outre la seconde citation où l'on pourrait douter et ce dire qu'elle ne fait que relater les propos de clients purement raciste - et même dans un tel cas, on pourrait se demander pourquoi elle n'a pas changée le vocabulaire - il m'étonne qu'elle utilise des même termes dans la première citation, où aucune ambiguité ne persiste. Certes, il s'agit là encore de propos indirecte en soi (les envies des clients), mais c'est vraiment de l'indirecte indirecte pour le coup.

    Pour en venir au sujet de la prostitution en tant que tel maintenant. A plusieurs fois dans son livre, elle fait mention de nuance. Il est, dans ma position, difficile de m'exprimer sur le sujet. Je ne suis pas prostituée, et qui plus est j'ai très peu de connaissances sur ces mondes. Cependant, bien qu'il y est nuance, je crois pouvoir déceler quelques contradictions,

    “ Ce n'est pas la prostitution qui est sordide. Ce n'est pas l'acte de sucer ou de baiser qui est sallissant, ce n'est même pas le fait de payer pour ça. Ce qui est dérengant, c'est d'utiliser un corps. Une personne dont le consentement est forcé par la nécessité. Personne ne devient pute par plaisir ou par vocation. ” (P.62)

    “ Ce n'est pas grave d'être pute. Il n'y a pas de honte à l'être ni à l'avoir été. Je ne dis pas ici qu'il faut l'encourager ou le revendiquer [...] Ce n'est pas grave de l'être mais c'est grave de le rester. Mettez-le au service d'un projet plus grand […] ” (P.207)

    C'est comme s'il y avait un double discours ici, un « ok, mais c'est une phase ». Dans la première citation, elle dit que l'acte en lui-même est ok, mais par contre, qu'en pratique c'est la merde. Comme s'il y avait une différence entre une certaine pratique et une théorie, une " abstraction ". Et c'est ça que j'ai du mal à capter. C'est un peu comme s'il y avait le ciel des idées de la puterie et, en bas, la forme, la chair. Vous voyez où je veux en venir ? Qui plus est, on pourrait s'attendre à ce que, si « [c]e n'est pas la prostitution qui est sordide », qu'alors, elle soit plus pour les droits des prostituées etc. Que si le problème vient de la nécessité, alors a minima pourrait-on arriver à encadrer les pratiques. Mais, au contraire, elle avance que « c'est grave de le rester. ». Et puis, friant de mes non-généralisations, je me demande dans quelle mesure ce « [p]ersonne ne devient pute par plaisir ou par vocation » est vrai. Certes, il s'agit peut-être d'une minorité, mais n'existe-t-elle pas ?

    Autre point qui me perturbe et qui selon moi peut refleter d'un privilège de classe (et oui, carrément). Dans la citation que j'ai extraite, elle dit que « [c]e n'est pas grave de l'être mais c'est grave de le rester. Mettez-le au service d'un projet plus grand [...] ». Et cette phrase me gêne à un point très très important. Pourquoi ?  Parce que la personne qui l'énonce faite à plusieurs reprises l'amalgame entre pute et escorte, qu'elle « compris assez vite que [s]on éducation [la] plaçait dans la catégorie des escorts plus que dans celles des putes. » (P.37), mais qu'importe puisque c'est la même chose, « pute et escort-girl font le même travail, elles finissent [...] toujours par avoir une queue dans un trou [seul le lieu change, une dans une allée, l'autre dans une chambre d'hôtel]. » (ibid.). Et ce gros amalgame est peut-être la pire critique que j'aurais à formuler Meuf, t'es en capacité de mettre ça à contribution d'un « projet plus grand » parce que - rappelons-le - tu es diplômée. Tu as des connaissances en art qui te permettent, in fine, d'être « à l'atelier. Au calme, loin de la folie des hommes. » (P223), et puis, tu as l'argent qui va avec (120 euros/h).

    Et puis, une autre critique, allez hop, tu parles d'un monde très hétérosexuel quand même. Encore une fois, j'y connais rien, et je fais que conjecturer, mais ça ne m'étonnerais pas qu'il y ait de la prostitution plus queer et plus respecteuse - quoique minoritaire peut-être (tout comme le porno). Ce n'est pas à idolatrer les personnes queer bien sûr, et el doit y avoir des connardasses partout. Mais c'est quand même un cadre ultra précis - celui des hommes plutôt riche et hétéro. On fera d'ailleurs la mention qu'il lui était surement possible de contracter avec des femmes puisque, sans mention du contraire, « il y avait une section « Rencontres » qui comportait différentes rubriques : recontres hétéros ou homosexuelles [...] je cochais que je n'acceptais que les hommes » (P.38). Je pars peut-être dans une critique trop ascèrbe ici, mais, elle à sciemment choisie les hommes. Je connais encore moins le profil des femmes - et on pourrait se demander si c'est la même chose voir pire - mais quitte à faire ça pour l'argent, quitte à ne pas prendre du plaisir à le faire, autant diminuer les emerdes que tu peux te taper ? (ou alors, peut-être y a-t-il moins de demande ?)

    Il y a quand même des points positifs, elle prévient de faire attention en ce qui concerne l'argent, à ne pas s'habituer aux rentrées de cash constant (on perds la notion de fin de mois etc.). De plus, il faut déclarer, même un peu, puisqu'après cela peut devenir très compliqué.e pour des prêts ou autre. Il y a d'autres remarques sur comment bien choisir ses clients, faire très attention aux IST etc. Autant de remarques qui vont de l'évidence j'aurais envie de dire. Pas dans le sens où il ne faut pas les dire puisque " évident ", " tout le monde le sait ", mais plus dans le sens de, " bah oui, si c'était encadré, ça ferait parti du cadre légal ".

    Ce que je reproche avant tout à ce livre je pense, c'est de réifier le cadre commun et accepté de la prostitution. Je ne veux en rien nier toute les horreurs qu'on a pu lui faire et je suis d'accord qu'il y a de bon gros connards. Mais d'un autre côté, je ne peux m'empêcher de penser que cela relègue toujours plus en arrière-plan, une prostitution certes plus minoritaire, mais aussi plus respectueuse (dans le sens de gerter les clients chiant) et ce vers quoi on devrait tendre ? Pour moi qui a en quelque sortes baigner dans l'assertion " TDS = c'est pas mal " - ce qui est ironique sachant que j'avais les même apriori que tout le monde avant - j'ai toujours du mal avec le genre de ressenti que fait ressortir ce genre de livre. Il y a p'être une romantisation de la chose de mon côté après.