Je suis pour la vérité, peu importe qui la dit. Je suis pour la justice, peu importe pour qui ou contre qui elle est rendue. Je suis un être humain avant tout et, en tant que tel, je suis pour quiconque et quoi que ce soit qui profite à l'humanité – dans son intégralité.À 39 ans, Malcolm X meurt assassiné par des membres de Nation of Islam, qui considèrent qu’ils les a trahis, peut-être aidés par le FBI. L’ancien enfant du Nebraska, victime du Ku Klux Klan dès ses premières années, passé par la délinquance et la prison, déploiera une pensée et une pratique d’abord inspirées par l’islam, puis connectant peu à peu le combat pour les droits afro-américains à ceux de tous les peuples opprimés et colonisés. Republiée pour la première fois depuis trente ans, voici l’autobiographie d’un des plus grands acteurs des luttes antiracistes.
Auteurice.s:
Malcolm X
Commentaire
Introduction
Comme tout livre qui m'a marqué, je ne sais absolument pas comment ne serait-ce que commencer à résumer ce livre. J'avais bien des idées, mais elle se sont toutes plus ou moins envolée, et peut-être qu'ainsi, pourrais-je commencer par une troisième voie détournée.
Dans son épilogue, Alex Haley - qui receuille le récit de vie de Malcolm X - nous dit qu'X a dit la chose suivante :
“ Quoi qu'il en soit, je vis maintenant chaque jour comme si j'étais déjà mort [...] Quand je serais mort [...] je veux que vous vous demandiez si je n'ai pas raison quand je dis : que l'homme blanc, dans ses médias, va m'identifier à la " haine " ” (P.431)
Ces mots ont eu a mon égard un effet choc; et j'ai d'ailleurs notée dans un post-it que cette phrase m'avais faite avoir les larmes aux yeux. Mais pourquoi donc ? Que 70 ans~ plus tard cette phrase sonne toujours aussi vrai m'a profondément marquée. Dans une france toujours aussi raciste, que l'éducation propage toujours cette idée binaire du " bon noir " versus le " mauvais noir " - Luther King versus Malcolm X - est une révelation que j'avais déjà reçue - et qui m'avait d'ailleurs poussée à lire ce livre; merci bell hooks - et que cette phrase m'a fait réaliser de nouveau.
Sur la biographie en tant que telle
Si je ne devais retenir qu'une seule chose de ce livre - tout du moins sur le plan personnel - c'est bien l'image d'un homme meurtri. X l'énonce d'ailleurs très bien lui-même en page 428 lorsqu'il dit que « quand j'ai entendu " l'homme blanc est le diable ", lorsque j'ai fait défilé devant mes yeux ce que j'avais véçu, il était inévitable que je réagisse. ». Et c'est effectivement l'image que lire son récit de vie m'a donner. Dans des Etats-Unis rongée par le cancer du racisme, dans des Etats-Unis ou X n'a eu d'autres choix que de survivre, quoi d'étonnant à ce que sa première réaction fut celle de la haine; après tout, « [l]e problème aux Etats-Unis est que nous autres Noirs rencontrons si peu de " bon " Blancs, " fraternels " (P.410). Et bien plutôt que de s'attacher à la forme de son propos, pourrait-on ici s'attacher au fonds, et à se demander le pourquoi de cette haine. Sa vie était très interessante à lire, et elle m'a donnée l'image d'un homme ouvert d'esprit, cultivé et de plus impliqué dans ce en quoi il croyait, s'attachant à remettre en question jusqu'à ses plus grandes croyances.
Sur ces idées
Introduction
En ce qui concerne ses idées, la première chose qui m'a étonnée fut la propension avec laquelle le racisme exacerba ses propos; et à quels point ces derniers pourraient nous paraitrent banale de nos jours. Je reviendrais plus tard sur l'infulence que Nation of Islam (NOI) a eu sur lui, et je me bornerais ici à noter que bons nombres de ses arguments ne sont absoluments pas radicaux. Nombres de ses idées phares et qu'il a conservé durant toute sa vie peuvent se résumer en une acception de la culture noire, une sorte de retour aux racines. Quand il évoque - au travers des enseignements de son guide spirituel, Elijah M. - que l'histoire a été blanchi, quand il évoque le lavage de cerveau des noir.es des états-unis et la nécessité de reprendre confiance en soi, de se séparer des idéaux blancs; je ne vois rien de plus que ce que j'ai deja pu entendre récemment. Et même lorsqu'il évoque son principe de séparation - allant jusqu'à la proposition d'un Etat-Nation - même la dedans ne puis-je me résoudre à y voir une quelconque violence. Oui, il était violent dans ses propos, mais était-ce là un problème, et on remarquera à cet effet une similarité avec les détracteureuses de la misandrie mettant sur un pieds d'égalité misogynie et misandrie. L'un n'est réponse qu'à l'autre.
Je l'ai évoquée, NOI à eu un profond impact sur Malcolm X. Arrivant en prison, il se convertit progressivement à cette version de l'Islam au travers de son frère, Reginald. La seule chose que je souhaiterais évoquée à ce propos est l'air de secte que NOI revête tout au long de ce livre. Je n'ai pas grande connaissance de cette organisation, mais une organistion qui prêche une téologie dans laquelle « Il y a six mille six cents ans [est né] " Monsieur Yacub ", [... un homme qui] savait concevoir de nouvelles races grâce à des méthodes scientifiques » (P.194) et pour laquelle « furieux [... il] résolut de se venger en créant une race démoniaque - pâle, voir blanche » (ibid), autant dire que mon opinon est directement passée d'organisation religieuse à " dangeureux lieu de culte ". Une organisation mélangant des faits réels de racisme, avec un discours pseudo-scientifique pour appeter des adeptes, et décriant l'homme blanc comme le démon. Bien sur, la chose est cependant un peu plus complexe. Car tant et si bien que le terme de démon blanc est utilisé, toujours est-el que X s'en défends en page 303,
Sauf quand nous visons quelqu'un spécifiquement, quand nous parlons de " démon blanc ", nous ne ciblons pas les individus blancs. Nous parlons de l'histoire collective de l'homme blanc.
Ainsi, et quand bien même le terme employé peut être choc, déjà a cette époque j'ai pu alors remarquer que X s'interessait à un problème systémique. Est-ce là à dire que X n'avait pas de haine contre les personnes blanches ? Non, pas du tout, et son experience de vie mélangée à ses enseignements à la NOI ont surement enfoncé en lui cette idée de l'homme blanc comme homogène : tous ontologiquement des connards. Mais c'est une vision qu'il perdera progressivement avec son voyage à la Mecque, lui préferant une vision plus actuelle : c'est le système qui nous forme de la sorte. Ainsi, le point que je souhaiterais faire passer dans cette section est que le problème à toujours été plus complexe que juste " je hais les blancs "-racisme, et que cette tactique de démonisation est ultra classique.
Séparatisme
Un passage m'a particulièrement marqué en ce que Malcolm X énonce en page 281 que « [d]ès qu['il] prononçai[t] le mot " séparation ", certains s'écriaient que nous, les musulmans, réclamions la même chose que les racistes et les démagogues blancs », et continue dans sa lancée entre la différence entre la ségrégation et la séparation, son véritable objectif. Cela m'a marqué·e parce que c'est quelque chose que l'on entends encore de nos jours avec les mentions de " Communautarisme ". Son objectif, il le modifiera d'ailleurs dans les dernières années de sa vie de sorte à y incorporer une vision bien plus internationaliste de " la question noire ". Effectivement, durant les dernières années de sa vie, et grâce à son voyage en Afrique notemment, il en viendra à encourager une vision panafricaine et bien plus globale, reconnaissant qu'el ne sert à rien de s'arrêter au simple cas des états-unis.
Une partie de sa biographie est tournée autour de cette idée du Nationalisme Noir et du séparatisme. Et quand bien même je suis d'accord avec lui lorsqu'il énonce en fin de livre que la manière la plus efficace est de lutter séparement; aka, les noir.es pour elleux-même, et les blanc.hes pour endiger de racisme au sein de leur propre groupe; quand bien même je puisse être d'accord avec une certaine forme de séparatisme au sein même d'une société; toujours est-el que je m'interroge sur les longeurs auquels il pousse sa reflexion. Oui l'integration est un mensonge, mais est-ce là nécessaire d'aller jusqu'à l'établissement d'un Etat-Nation. Alors bien sûr, je ne suis pas concernée, je suis une personne blanche, et el m'est compliqué·e d'évoquer un sujet que je ne maitrise pas, mais toujours est-el que je pense tout de même pouvoir critiquer la vision de X sous l'angle de l'anarchisme. Outre la ressemblance accru avec un " etho-state " qui me rappel dangeureusement Israel; je ne peux en tant qu'anarchiste accepter une telle solution.
EDIT : après reflexion, je souhaiterais corriger ce que j'ai pu précedemment dire. Comme je l'évoque si bien, " el m'est compliqué·e d'évoquer un sujet que je ne maitrise pas ", et en ce sens, je souhaiterais faire part d'une pensée problématique qui m'a mise la puce à l'oreille.
Dans un premier temps et en guise d'introduction, el semblerait que j'ai faite l'amalgame entre séparatisme et nationalisme, le premier cherchant à se séparer d'une société existente, le second à l'utiliser pour faire avancer ses droits; mais tout deux se basant sur une notion de droits civiques (d'après Wikipédia). La confusion n'est pas étonnante puisque Malcolm X plaide, et dans cette partie de sa vie, pour un séparatisme nationaliste (terminologie de wikipédia); mais je souhaitais tout de même évoquer ces différences.
En outre, différentes personnes essayent bien souvent de mettre sur le même plan "racisme" et "racisme anti-blanc", d'applanir ces notions comme si cela était la même chose. Or, et comme le féminisme noir et la lutte anti-raciste me l'ont appris; el n'y a pas deux notions plus éloignées, et ce pour des raisons sur lequelles je ne souhaite pas revenir ici de crainte que cet addendum ne soit plus long qu'il ne le sera surement deja. Ainsi, et dans ce contexte, qu'est-ce que cela voudrait-el dire que je mette sur le même plan "nationalisme blanc" et "nationalisme noir" ? N'est-ce pas là la même tactique employé par le suprémacisme blanc pour dénigrer toute notion un tant soit peu problématique et qui remet en cause son fonctionnement ? Ou tout du moins, cette réflexion n'est-elle pas à minima suspicieuse ?
En conséquence, et pour moi qui ai depuis toujours fait l'égalité entre Nationalisme, Étatisme et dans une bien plus légère mesure Séparatisme, le texte de Ashanti Alston " Beyond Nationalism But Not Without It ", que j'ai pu lire plus récemment, sonne comme d'un appel à la curiosité. Quelqu'un qui m'indique que le " nationalisme et l'étatisme sont différents en ce que le nationalisme peut-être anti-état " et qu'en ce sens " anarchisme et nationalisme sont similaires " est tellement une anti-thèse selon moi qu'il me pousse à chercher plus loin. Bien sûr, el ne s'agit pas pour Alston de nier les problématiques du nationalisme en terme de hiérarchie ou de réductionnisme; mais el mets l'accent sur le fait de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, ne serait-ce qu'en terme de " black pride ".
Binarisme
Un autre point que je souhaiterais évoquer est celui du féminisme. Durant tout mon apprentissage, et venant principalement du courant Queer et de l'anti-racisme, j'ai toujours apprise à réfuter les binarismes comme quelque chose d'intrinsèquement mauvais. Des choses comme " les Hommes contre les Femmes " (ici, en ce que cette position est implictement raciste à minima). Et quand bien même X rejettera-t-il plus tard cette vision binaire des " Noir·es contre les Blanc·hes "; que je souhaiterais en dire deux mots. Car tout comme le binarisme du genre en vient à oublier la race, de la même manière puis-je dire que le binarisme de la race en vient à oublier le genre; deux notions qui se sont construites interdépendemment. En ce sens, et bien que X soit revenu sur ces pas, cette vision ne l'a jamais vraiment totalement quittée, and it shows. Que l'on soit clair, Malcolm X est un produit de son époque, et il n'a pas eu besoin de la religion pour être Machiste. Cependant, se convertir à l'Islam orthodoxe n'a fait, je pense, que renforcer cette tendance; et à de nombreuses reprises fait-il part d'une misogynie criante. Par exemple, el est évoquée à un moment dans le livre que nombre de ses soeurs musulmanes - et lorsqu'il était encore à NOI - se sont plaint de sa vision trop stricte; et en ce sens puis-je dire que la non prise en compte du féminisme était un angle mort.
Conclusion
Ce livre est un livre très important que je souhaiterais remettre dans les mains de quiconque à déjà entendu parler de Malcolm X. Car tout comme la plupart des gens ne se doutent pas que le fameux discours de Sojourner Truth " Ne suis-je pas une femme " n'a pas été prononcé par elle; tout autant je m'imagine que les gens ont une mauvaise vision de Malcolm X; ou tout du moins trop radicale, pas assez nuancée.
J'en retire de ce livre, et outre tout le caractère très personel de son existence, un des jalons de la lutte anti-raciste. Certes cela n'était pas parfait - en atteste son absence de prise en compte total du féminisme [1] - mais toujours est-el qu'il a été une figure centrale du mouvement pour mettre fin à l'oppression raciste et de l'empowerment noir, et que quiconque lira ce livre de bonne foi réalisera que - malgré les détours de sa vie - et comme l'énonce Maboula Soumahoro dans sa postface du livre, que l'un des enseignements que Malcolm X a voulu nous livrer est « [q]ue la question raciale structure la société [...]. Elle en est au fondement. Elle est décelable dans l'ensemble des institutions de cette société [...] » (P.444).
Et peut-être pourrais-je en conclusion évoquer un cas plus personnel. Car tout autant que nos experiences de vies soient différentes - à moi et à X - je ne peux m'empêcher de relate avec une phrase en particulier. Tout particulièrement, Malcolm X énonce en page 55 que « [d]e retour à Mason [...] je me suis senti mal à l'aise pour la première fois en compagnie des Blancs. », et que cela est du à sa découverte de Harlem qui a eu l'effet choc de lui donner enfin un sentiment d'appartenance. Et c'est quelque chose que je peux mood. Pas dans la dimension raciale, bien sur, mais dans la dimension queer. Lorsque j'ai rejoint une communauté queer (blanche, lol) pour la première fois, je me souviens d'un ressenti similaire de communauté; et très vite d'un décalage avec le monde hétérosexuel. Et c'est d'ailleurs ce livre - mais aussi la préface qu'en fait Davis - qui m'a convaincu un peu plus de la nécessité d'un certain séparatisme queer : à quoi bon vouloir l'intégration.
[1] Ce qui, honnetement, n'est pas choquant pour l'époque. Pour remettre en contexte, On ne nait pas femme, on le devient à été publié en 49, soit à peine dix ans plus tôt. Le materialisme, c'est les années 70-80.