Vandalisme Queer est un recueil de trois textes de la philosophe et militante féministe et décoloniale Sara Ahmed. Ces trois textes, initialement publiés sur le blog de l’autrice, explorent la manière dont les modes d’existence queer peuvent être des stratégies de défense, de survie, de détournement ou même de retournement. L’écriture de Sara Ahmed est située, sensible, elle ancre la recherche théorique dans une expérience de l’intime à travers une analyse de l’affecte. Elle nous invite à observer et nous emparer du potentiel subversif de nos existences déviantes, étranges, obliques, queer.

Auteurice.s:

Sarah Ahmed

  • Queer
  • Commentaire

    Vandalisme queer

    Prenant la famille nucléaire comme point de départ de sa reflexion, et étendant ensuite son injonction à l'occupation de batiments et au refus _all together_, dans ce premier texte Ahmed nous encourage à accepter la charge de vandalisme, ce « ne pas s'aligner = détruire » (P.18) que l'on inpute bien souvent aux personnes queer. Ce vandalisme qui varie de la charge la plus symbolique dans la simple question posée et qui remets en cause les institutions - même seulement dans sa potentialité -  et allant jusqu'à l'acte le plus matriel qu'est l'occupation d'un batiment ou le boulversement des habitudes comprises comme « des personnes qui ont tendances à apparaitre à certains endroits et pas d'autres » (P.22); ce vandalisme même est peut-être bien que c'est ce qu'el s'agit pour nous de revendiquer et dont la multiplication pourrait amener à de véritables changements.

    Usage Queer

    Un deuxième chapitre un peu plus flou mais non moins interessant. Se penchant sur l'usage de l'usage, sur l'usage du mot " usage "; Ahmed remarque comment l'usage créer l'habitude, voir même le besoin. Comme l'indique très justement Jack Halberstam dans son livre The Queer art of failure, les institutions fonctionnent odeipiquement de sorte à transmettre généalogiquement un savoir, et ainsi pourrait-on ajouter avec Ahmed qu'elles fonctionnent en conséquence dans une logique de répétition. Les institutions nous dit-elle sont comme des vêtements usés et qui, à force d'être utilisés, se sont élargis de sorte à accomoder celleux qui les utilisent. Elles rendent la vie moins difficiles à celleux pour qui elles sont adaptées, elles - et tout comme les privilèges qu'elle voit aussi sous cette angle - réalisent une économie d'energie. Mais Ahmed précise. Non seulement rendent-t-elle la vie plus simple à certaines personnes pour qui, dès lors, « des vois toutes tracées » (P.66) existent puisqu'elle sont adaptées aux besoins, mais en plus nous dit-elle, ce besoin est retroactivement caché. Darwin analyse l'architecte qui prends une pierre qui se trouve correspondre parfaitement à la taille et à la forme qui lui convient comme non pas d'un heureux hasard, d'un accident, mais comme d'une serie complexe de comportements (la pierre à un certain materiaux, elle est tombée dans un puit, ce qui lui a donnée cette forme de par la profondeur du puit etc.) qui en vient à créer le résultat voulu. Citant de cette manière Darwin, et peut-être pourrais-je ici citer à mon tour Butler dans Trouble dans le genre lorsqu'iel énonce que la loi créer l'illusion du sujet avant la loi, de la même manière, l'institution créer l'illusion du besoin qu'elle créer. El ne faut ainsi pas voir les institutions comme d'un achitecte et nous comme de ce magnifique hasard, mais bien plutôt comme d'une serie complexe de comportements voulus et qui sont justifiés comme d'un accident. Dans ce contexte qui est celui d'un système qui n'est pas fait pour faire passer, mais bien plutôt pour bloquer, enrailler, l'usage queer est peut-être bien celui qui vient débloquer la machine. Usage queer. Cet usage qui n'est pas celui prévut initilialement, qui n'est pas celui qui est requis du besoin à priori; mais qui, bien que déviant, pervers, nous apprends tout de même des choses sur l'objet; sur la machine considérée.

    La plainte : une méthode queer

    Pas grand chose à dire sur ce dernier chapitre, si ce n'est le fait qu'il m'a (re)fait perdre la foi en l'humanité. En y analysant la plainte, et sa métaphore closely related qu'est la porte, Ahmed convoque par là-même une foule de témoignages anonymes de personnes ayant dues poser des plaintes (ou non), et bordel que c'est dur·e à lire. Dur pas dans le sens où c'est violent·e, mais dans le sens où c'est éreintant; blessant.

    Je disais que la plainte était reliée à la métaphore de la porte, et a juste titre. Effectuer une plainte, c'est sortir du placard, c'est annoncer publiquement quelque chose de jusqu'à lors caché; c'est en définitifve sortir de l'abri. Et c'est sans compter que se plaindre c'est se fermer des portes, ici dans l'université, mais aussi partout ailleurs. Mais se plaindre est queer, ne serait-ce que par le chemin tortueux que cela implique. Porter une plainte n'est pas un processus linéaire; quiconque ayant deja fait·e cela vous le dira. Vociferer, porter une plainte est queer; c'est poser une question, remettre en cause; c'est refuser de se taire, ou comme le dirait Niedergang dans le cas du troisième temps du traumatisme - qui est aussi un temps politique - ce n'est pas « une prise de parole unique, mais une prise de parole répétée ». Non seulement une plainte, mais une plainte « again, and again and again » (P.118).

    Conclusion

    J'ai pas forcément eu l'impression d'apprendre de nouvelles choses avec ce livre, et j'ai d'ailleurs l'impression que c'est une constante de ce que j'appelerais le " nouveau-queer ". Ce genre du queer qui se situe quelque part au tournant des années 2010 peut-être (chiffre plutot arbitraire, même si y a une logique derrière) et qui me donne l'impression de ne pas apporter de nouvelles choses sur la table. C'est sûrement moi, et effectivement j'ai déjà lue des livres qui bien que situer après cette date charnière ont tout de même des points de vues interessants, mais j'ai l'impression que ça augmente tout de même. C'est peut-être du au capitalisme et au fameux " publish or die ", mais j'ai vraiment l'impression que passer certains textes fondateurs ou " anciens ", y a plus grand chose. Don't get me wrong, le livre de Ahmed est interessant, et l'apport sur l'université est cool, mais est-ce que j'avais vraiment besoin de cela pour savoir que le vandalisme était une méthode d'organisation ou que l'université fonctionnait en huit clos dégeulasse de mec blanc ? Entre-nous. Je pense que la distinction se fait entre ce qui est de la théorie pure et dure, une théorie du genre à titre d'exemple, et ce qui relève de la théorie artistique. Ce que j'appelle théorie artistique n'a pas qu'à trait à l'art (comme par exemple ce qu'exemplifie The Queer art of failure) et s'étends à tout ces livres qui parlent de façon abstraite de sujets moins grounded si je puis dire et qui, pour le coup, et très subjectivement, ne sont pas trop de mon goût.

    Enfin, et de façon plus personnelle, j'ai l'impression yet again d'avoir modifiée ma façon de comprendre un texte. Alors qu'au tout début - ce fut le cas de Trouble dans le genre à titre d'exemple - je gobais l'ensemble du texte avant d'en faire un résumé, j'ai pu remarquer une tendance à la fragmentation, en venant progressivement à résumer les livres de façon plus atomiques, de chapitres en chapitres. Et plus récemment encore, j'ai crue remarquer que cette atomisation, cette séparation spatiale, à maintenant aquise une certaine temporalité. Non content·e de fragmenter l'espace, j'en suis aussi venue à fragmenter le temps; mieux encore, à le retarder. Cela fait maintenant quelques livres (The Queer Art of failure et Vandalisme queer), que j'ai l'impression de lire un atome de texte, et de n'arriver à le comprendre qu'_après_ l'avoir résumé. C'est assez étrange comme sensation. Peut-être que cela ne durera pas; peut-être aussi que cela dépendera des livres que je lirais, mais c'est quand même marrant·e à noter.