« Comment est-ce qu’on fait ? Je veux dire, comment est-ce qu’on fait pour que quelqu’un vous aime ? » Mal aimée, la jeune Pecola Breedlove rêve d’être vue autrement et de recevoir une plus grande attention. Bientôt, un seul désir anime la petite fille âgée de onze ans : avoir elle aussi les yeux bleus, symbole ultime de la « blancheur » – et donc, pour elle, de la beauté, à l’image des vedettes blondes qui défilent sur les écrans des cinémas. Elle se dit qu’enfin tout sera différent. Elle sera si jolie que ses parents arrêteront de se disputer, que son père ne boira plus, que son frère cessera de fuguer. Mais son vœu tarde à se voir exaucé, et à l’automne 1941, une rumeur se répand : Pecola est enceinte du bébé de son père. Publié aux États-Unis en 1970, L’Œil le plus bleu nous plonge dans la vie tragique et déchirée d’une famille noire pauvre de l’Ohio des années 1940 après la Grande Dépression, et questionne avec subtilité et grâce notre obsession pour la beauté et le conformisme. Ce fulgurant premier roman de Toni Morrison marque la naissance de l’œuvre d’une grande romancière.

Auteurice.s:

Toni Morrison

  • Race Roman
  • Commentaire

    L'oeil le plus bleu est un livre très interessant en ce qu'il met en lumière un côté bien souvent delaissé de l'antiracisme : la psycologie. Comme l'énonce parfaitement bell hooks dans rage assassine, « Tant que [...] tout le monde aux [USA] demeureront incapable de reconnaitre le trauma psychique que les agressions et les attaques racistes ont infligé aux Noir·es, il n'y aura pas de compréhension culturelle collective du fait que ces tords ne peuvent être redressés par un simple programme de réparation économique, par une égalité des chances ou par des efforts pour créer une égalité sociale entre les races » (P.183). Et c'est exactement ce que fait ce livre, nous montrer le self-loathing et la self-hatred qu'une personne noire - et en l'occurence une petite fille - peut eprouver durant sa vie et qui se crystalise, se symbolise dans sa souffrance de ne pas avoir des yeux bleus, des yeux qui, si elle les avaient symboliserait pour elle sa connexion à la blanchité. Et parmis tout les exemples de racisme ou même de colorisme - par exemple la distinction " personne de couleur " et " nègre " - qui ponctuent ce livre et que je n'analyserais pas en tant que je ne suis pas légitime pour dire si cela est bien écrit ou non; on retrouve celui d'une petite fille qui se voit donner des poupées blanches pour noël. Et tandis que cette jeune fille n'apprécie pas les poupées - dedain pour ces dernières qui s'exprimera dans sa volonté de les briser et qui se transferera plus tard, ne serait-ce que par le fantasme, dans son envie de harceler ses camarades blanches - une question persiste dans la tête de Pecola, un seul désir : « celui de la démembrer. De voir de quoi elle était faite, de découvrir la tendresse, de trouver la beauté, l'attractivité qui m'avait échapper; mais manifesteent à moi seule » (P.18)

    L'oeil le plus bleu est un livre bien plus horrible que ce que je pensais en commençant de le lire. A plusieurs fois je me suis vue noter des " TW : Pedo " et " TW : agression sexuelle " (et y en a d'autres que j'ai pas notée). C'est un livre sans rédemption, mais dans lequel, et comme l'énonce Morrison, elle n'a pas voulue « déshumaniser les personnages qui ont violentés Pecola et qui ont participé·es à sa chute » (P.207). C'est un livre aussi interessant en ce que les evenements racontés dans ce dernier ne forment pas un tout cohérent et linéaire, et c'est à nous de rapiécer les morceaux, de reconstituer le récit. Une forme volontaire puisque l'autrice énonce elle-même que ceci est sa solution à ne pas en arriver à « avoir de la pitié pour elle » au dépends de notre intérrogation. Mais, et malgré tout cela, j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le livre. Est-ce les références culturelles que je n'avais pas ? Était-ce les façons de parler qui pouvaient être un peu difficile à suivre ? Ou était-ce tout simplement la façon d'écrire de Morrison ? Une chose est sûre, j'ai plu ou moins drag ce livre à cause de cela.