Cet ouvrage collectif offre une analyse transversale très éloquente des enjeux de genre à l'oeuvre dans les espaces de nos sociétés modernes. L'étude est menée parallèlement dans divers champs disciplinaires (sociologie, psychologie, sciences des activités sportives, géographie, littérature et selon une approche intersectionnelle articulant rapports d'âge, d'origine et de classe. L'analyse est également historique (du XVIIIe à nos jours) : car finalement des convergences peuvent être repérées entre la cour de Marie-Antoinette et les quartiers populaires contemporains : les femmes et les hommes restent assujetti·e·s aux normes de genre qui façonnent les corps et l'espace de leur époque ; tou·te·s se conforment ou tentent de résister aux injonctions sociales d'incarnation d'un modèle présenté comme idéal. Une étude de genre – où le féminin n'est pas traité séparément mais bien dans son interaction avec le masculin – ne peut éviter un état des lieux critique des rapports de domination : au-delà des comportements de surenchère induits par la performance des rôles sociaux, cet ouvrage s'attache aussi au parti pris (souvent insidieux, parfois spectaculaire dans l'espace) d'exclusion ou d'invisibilisation du féminin. Par-delà les schémas récurrents, sont également développées quelques tentatives, souvent fictionnelles, de totale subversion.
Auteurice.s:
Marie-Françoise Berthu-Courtivron, Isabelle Danic
Commentaire
Finalement mitigée sur le bouquin. Pas que les articles soient pas bien - même si j'exprimerais des reserves sur un en particulier [1] - mais c'est moins ce que je pensais que ça serait. El y a des articles qui parlent bien des corps et des espaces (scolarité, manuels scolaires, prison); mais d'autres, bien qu'interessant par ailleurs, s'interessent à la litterature. Ce n'est pas à dire que la litterature n'est pas d'interet, mais je pense que dans ma conception assez limité du terme "espace", je m'attendais surtout à "espace public", ce qui n'est pas le sujet de l'ensemble de ces articles; ou pas directement puisqu'el s'agit de fiction (même si la fiction et la réalité sont interconnectés).
Ce livre ne nous apprends pas forcément de nouvelles choses :
- les femmes sont dévalués dans les manuels scolaires. En géographie par exemple, très peu d'illustrations mettent en scènes des femmes; et les gens en sont bien conscient à l'image de cet éditeur qui appuie sur le caractère capitaliste de la chose : « Celui-ci souligne la difficulté d'innover dans les manuels scolaires, car l'objectif des maisons d'édition est de maximiser les ventes. En tant qu'entreprises commerciales, les manuels doivent être attrayant pour un large public, sans heurter les enseignants et sans créer de controverses [...] Pourquoi prendre le risque d'innover en abordant les questions de genre [...] si les utilisateurs ne le demandent pas » [2]. On a la un très bel exemple de cercle vicieux. Personne n'est sensibilisé·e donc ne le demande, et en retour, el n'y a pas de demande, donc personne n'est sensibilisé·e.
- L'espace est genré que cela soit passivement ou activement. On peux prendre l'exemple de la scolarité [3, 4] qui montre d'une très bonne façon comme l'environnement externe joue sur le genrement. Que cela soit les parents ou les autres enfants, les pressions externes renforcent les mécaniques de normalisation.
On peut aussi parler de la façon dont le sport en prison renforce les stérotype. Beaucoup des prisonnières font du sport car « Déchues puisque criminelles, leur quête consiste à redevenir de vraies femmes, susceptible de plaire » [5].
Mention spécial d'ailleurs à l'étude notée en [4] qui évoque le cas d'une personne trans en prison pour femme (j'imagine - au vu de la loi - que la personne est afab), mais ça reste cool à voir. De la même manière, l'article en [5] ou on voit clairement la différence (ne serait-ce que par l'utilisation d'une langage plus inclusif) et qui évoque aussi le cas d'une femme trans, quoique brièvement; mais qui surtout indique que « les feunes filles/femmes enquêtées[,] qu'elles soient trans ou cis, lesbiennes, bi/[pan] ou [het] [...] ». Article qui a aussi le bon point de montrer brievement (ce n'est pas le focus de l'article) une alternative à l'école hégémonique, rien qu'au travers de cette remarque tout à fait appréciée qui montre comment on peut donner de l'agentivité aux élèves dans une structure scolaire :
Un petit groupe d'élèves LGBT+ entourent un·e enseignant·e de SVT avec qui elles et ils ont coréalisé un cours.
- ([lea prof]) Alors vous l'avez trouvé comment mon cours [...] ?
- [...] Bien ! Vraiment bien.
- [...] J'ai bien pris en compte ce que vous m'avez recommandé [lectures/site internet]. [... j'avais] peur de mal dire [nomination des genre], mais...
- [...] tu as bien présenté les différentes identités possibles, tu es sortie de l'approche de la reproduction et des [orientations] [...]
[1] Je parle de l'article " Perturbation des normes des genre dans l'espace populaire urbain [...] de M-F Berthu-Courtivron qui fait une analyse comparée de deux bouquins (un de 1961 l'autre de 2018) et qui conclut que « [le corpus offre ainsi, sur 60 ans, une radiographie [...] assez pessimiste de l'évolution de la société française. » Et bien qu'on puisse être d'accord (peut-être avec quelques nuances) avec la conclusion, je ne peux m'empêcher de penser qu'un "corpus" de deux textes n'est pas assez conséquent pour prétendre à une conclusion tenant de l'échelle d'une société. On pourrait me rétroquer que ces deux livres sont "emblématiques de leur époque", mais là encore, je pense, ça mériterait développement.
[2] De l'invisibilité des femmes dans la géographie à enseigner [...] M. Hardouin
[3] Ségregation entre les sexes à l'âge scolaire G. Le Maner-Idrissi
[4] Corps d'élèves dans les espaces du secondaire alternatif en France et au Québec [...] B. Doulin-Dimopoulos
[5] Genre et pratiques sportives dans l'espace de detention [...] G. Sempé & E. Chiron