he Queer Art of Failure is about finding alternatives—to conventional understandings of success in a heteronormative, capitalist society; to academic disciplines that confirm what is already known according to approved methods of knowing; and to cultural criticism that claims to break new ground but cleaves to conventional archives. Jack Halberstam proposes “low theory” as a mode of thinking and writing that operates at many different levels at once. Low theory is derived from eccentric archives. It runs the risk of not being taken seriously. It entails a willingness to fail and to lose one’s way, to pursue difficult questions about complicity, and to find counterintuitive forms of resistance. Tacking back and forth between high theory and low theory, high culture and low culture, Halberstam looks for the unexpected and subversive in popular culture, avant-garde performance, and queer art. Halberstam pays particular attention to animated children’s films, revealing narratives filled with unexpected encounters between the childish, the transformative, and the queer. Failure sometimes offers more creative, cooperative, and surprising ways of being in the world, even as it forces us to face the dark side of life, love, and libido.
Auteurice.s:
Jack Halberstam
Commentaire
Introduction - La théorie basse
Si je devais résumer ce premier chapitre introductif, ce serait bien au travers de ce mot seul : détours. Détours car le sujet du livre d'Halberstam est littéralement le fait de se perdre, de rater et d'apprendre à vivre avec; et même plus d'apprendre " à mieux rater " (P.24). En ce sens, et peut-être pourrais-je ici le rapprocher de Awkward-Rich, Halberstam se place selon moi d'une certaine façon dans la tradition queer dite du " tournant affectif ".
Halberstam, dans son livre The queer art of failure, cherche à découvrir, à montrer des alternatives qui ne se résolvent pas ni dans une " résignation cynique, [ni] dans un optimisme naif " (P.1). Son livre cherche à déconstruire le binarisme succès/echec et à voir comment l'échec peut au contraire être détourné, repris pour vivre autrement. Mais ces détours ne concernent pas que l'affectivité, et une grosse partie de son introduction s'interesse à l'académique, à l'université. Son socle de réflexion, son " archive " est ce qu'il appelle une théorie basse en ce qu'elle se situe en dehors de la rigueur et du sérieux académique, et qu'elle rejette en ce sens toute hiérarchisation du savoir, certains se forment comme plus légitimes que d'autres. Fréquemment rejeté, non pris au sérieux, Halberstam utilise ces exemples même que sont par exemple les films d'animations pour échapper aux formes institutionnalisées de savoirs et de disciplines que l'université auto-reproduit en son sein. En conversation avec une théorie haute, il cherche cependant à rejeter cette dernière, à rejeter son hégémonie, et à se rebeller contre elle; sa hiérarchie et son assurance.
Sur une note plus personnel, ce livre est d'ors et deja intéressant pour moi en ce qu'il arrive à un moment très opportun de ma vie. Alors que j'ai le sentiment d'avoir échouée à la ligne d'arrivée du succès justement - que j'étais this close - ce livre pourrait bien m'aider à vivre l'échec autrement. A voir.
Chapitre 1 - Animer la révolte et revolutionner l'Animation
Ce premier chapitre se concentre sur, défini et développe ce que Halberstam appelle le genre du " pixarvolt " - de pixar et révolte - un genre de film d'animation utilisant les CGI et abordant des thèmes qui n'apparaiteraient pas dans des films plus adultes [1] et qui en ce sens arrivent à lier ensembles des thèmes tant queer tels que la subvertion du sujet humaniste, que sociaux avec la lutte des classes. C'est en se basant sur des films tels que Robots ou chicken run - le premier étant une critique de l'humanisme puisque un enfant robot y est litteralement construit, et le pénis du garçon y est plaqué après avoir été presque oublié; le second étant une utopie anarcho-féministe, les protagonistes étant exclusivement des poules et crééant une société sans état - et en montrant au contraire les failles de leur opposés plus fade (Bee movie par exemple) qu'halberstam nous propose de lire les films d'animations comme potentiellement révolutionnaires.
Cela n'est cependant pas le cas de tout les films et bien souvent malheureusement l'imaginaire animal qui est mis en scène sert plus d'antropomorphisation de nos comportements à l'image de The march of penguin - un documentaire qu'Halberstam rapproche de l'animation en ce que certaines version dub les les pingouins (oui, oui) - et qui calque sur des pingouins une vision hétérosexuelle humaine qui ne corresponds pas du tout à leur mode de fonctionnement. Toujours est-el que bien plus que la réalisation que certains sujets lourds de sociétés ne sont traités qu'au travers de ce medium, et de sorte à les dévaluer comme enfantins ou naif, ces films, et lorsqu'ils sont bien faits, nous permettent peut-être plus de se rendre compte que la révolution est un processus permanent, et que ces derniers sont des vecteurs d'imagination d'alternatives et de révolte.
[1] Au sens de non-enfant, pas porno.
Chapitre 2 - " Dude, where's my phallus? "
Dans ce chapitre, Halberstam s'interesse à l'utilité de la stupidité et de l'oubli. Se prévalant d'un oubli qui soit replis (colonialisme etc.) ou d'une stupidité qui soit privilège; blanc par exemple (de ne pas avoir à savoir, pouvoir oublier), l'auteur nous enjoint tout de même à revaloriser ces dernier comme d'un mode de querrisation. L'oubli nous dit-il, est aussi un moyen de defaire le temps linéaire hétérosexuel. A cette hétérosexualité qui " lie le passé au présent et le présent au futur " (P.73), qui créer une généalogie, une linéarité, Halberstam lui oppose la figure de Dory (dans Némo) qui oublie sa famille, ses liens amicaux et se doit de sans cesse les refaire.
La stupidité quant à elle, et quand bien même elle se présente sous sa forme hétérosexuelle des plus viles, est tout de même interessante à analyser. Tout d'abord, cela permet de lier encore une fois ignorance et pouvoir, a la manière dont Kosofsky Sedgwick avait pu le faire quelque vingt ans auparavant dans épistémologie du placard. L'ignorance force à se plaquer sur elle, sur son mode de connaissance. Mais outre cela, elle nous permet une certaine innocence, un certain devenir non-adulte caractéristique du queer et permettant, et ce avec d'autres elements tels que l'horizontalité, de créer de nouvelles formes de relations.
Et peut-être ici pourrais-je m'aventurer vers une piste qui m'est venue en tête en lisant cette partie du livre. Dans Trouble dans le genre, Butler cherche à montrer en quoi le genre serait une pure imitation; un pur acte, et tente tout de même de dégager une certaine agentivité dans cette répétition qui semble à priori deterministe (si le genre nous construit et se répète, alors comment peut-on avoir une liberté dans la decison). Peut-être pourrais-je donc me risquer à voir l'oubli ici énoncé comme d'un mode d'agentivité, et justement dans ce chapitre, Halberstam évoque tout à propos que d'après Kathryn B. Stockton, l'enfant·e, toujours déjà queer, se voit réifier dans la matrice hétérosexuelle à cause de cela. Un oubli qui permet donc de casser la linéarité hétérosexuelle et les stades developpementaux comme le dit très bien l'auteur, mais dont je voudrais tout de même chercher à étendre la portée et qui, dans mon cas, est aussi stupidité, obstination obtue. C'est justement cette cassure que je recherche surement lorsque j'essaye de ne pas genrer les personnes que je rencontre et que je tente de ne pas interpréter leur corps; une sorte d'ignorance, de stupidité même; mais qui à un sens radical (on pourrait ici penser à un meme devenu célèbre - tout du moins en france - et dans lequel un invité à une émission quelconque énonce qu'el « ne sais pas ce qui vous fait dire que je suis un homme » [1]). Stupidité, obstination même, puisque la majorité des personnes que je vois sont cis et n'ont probablement jamais pensées ne serait-ce qu'une seule fois à changer de pronoms. Mais, el n'est pas possible de totalement s'abstraire des normes qui nous façonnent et en ce sens, cette démarche relève tout autant du domaine de l'échec. Une tentative, jamais totalement réussie mais jamais totalement échec; une tentative qui façonne un mode de vie, une matrice alternative.
Chapitre 3 - L'art queer de rater
J'ai beaucoup eu de mal avec ce chapitre et je pense que ça a avoir avec le fait que ce livre n'est pas ce que je m'attendais qu'il soit. Quand j'ai lue " the queer art of failure ", et même lorsque j'ai lue l'introduction sur la redéfinition du binarisme succès/echec, je m'attendais à une critique, mais surtout à une vision concrete; une façon de vivre. A la place, je me suis retrouvée à lire " Art " au sens premier du terme.
Ce chapitre lie queeritude avec négativité. Alors bien sûr, Halberstam n'est pas le premier à vouloir lier ensemble queer et négatif, et à de nombreuses reprises il cite d'ailleurs Edelmann refusant catégoriquement l'enfant comme d'un symbole du futur, du succès. Il cherche dans cette lignée à montrer en quoi le queer est négatif, et comment cette négativité peut être politique. A l'inverse d'oeuvres (telle que trainspotting) qui sont antisocial pour l'antisocial et qui en ce sens on un air d'apolitisme autour d'elles, il y oppose par exemple les oeuvres de Brassai jouant avec la lumière dans ses photographies des scènes lesbiennes du paris des années 30, ou encore la serie _The L word_ qui à, dans une recherche presque frénétique d'acceptabilité, évacué le personnage de la Butch; ce personnage qui represente très justement le raté féminin.
Mais ce que Halberstam souhaite faire, et il le résume bien dans une phrase lacunaire, c'est que « le problème » selon lui, « n'est pas tant le tournant antisocial de la théorie queer [...] mais bien plutôt l'excessivement petite archive qui la représente » (P.109). Il reconnait très bien que la négativité peut-être politique, mais ce qu'il critique cependant, c'est que lorsque l'on parle de négativité, on ne parle jamais de Scum Manifesto [1] à titre d'exemple, et que ce corpus de texte prédéfini et préchoisi nous limite dans les affects et dans les réactions que nous entretenons. De sorte à vraiment être politique, et à sortir de notre « zone de comfort de l'échange politique », et si nous ne voulons pas que répondre à « la banalité de la culture hétéro et à son caractère monotone » (P.110); alors, nous dit Halberstam, nous devons engager plus avec ces textes qui constituent une vraie « politique négative, une qui promet, cette fois-ci, de rater [...] de foutre la merde [...] de faire parler d'elle », en un mot d'être indiscipliné.
[1] Mais si, vous savez, le bouquin qui est ultra transphobe et misandre et qui appelle à débarasser les hommes de la face du monde.
Chapitre 4 - Les féminismes de l'ombre
Dans ce chapitre, et continuant son projet de négativité, Halberstam prône les féminismes de l'ombre [shadow feminism]. Utilisant la figure du lien mère-fille comme d'une allégorie oedipique des liens sociétaux qui nous unissent (tout du moins, en occident), et par lesquels nous transmettons le patriarcat, ne serait-ce que symboliquement, Halberstam en appelle à la brisure de ce lien permettant ainsi la ruputure de la généalogie hétérosexuelle et l'oubli consequentielle qui en résulte et qu'il avait deja pu évoquer dans le chapitre 2. Mais, et si comme l'énonce Woolf, " nous nous souvenant en tant que femmes au travers de nos mères " - où mère peut ici (et non dans le contexte de Woolf) être entendue dans le sens métaphorique précedemment décrit - alors que dire d'un projet cherchant à détruire ce lien ? Se basant sur des autrices telles que Spivak ou Kincaid, Halberstam en étends le projet décolonialiste de refus d'être comme d'un refus de la colonialisation en se demandant quelle forme pourrait prendre un féminisme qui non seulement, et comme Spivak l'a très bien énoncée, refuse la position universalisante et alterisante qu'il prends si souvent, qui refuserait de parler pour l'autre, de construire cet autre, mais aussi se submerge dans une " passivité masochiste radicale " qui soit aussi un défaissement [undoing] de l'être.
Chapitre 5 - Le tueur en moi est le tueur en toi
Le projet d'Halberstam dans ce dernier chapitre est un projet que je qualifierais de radicalement postmoderne. Remarquant la tendance des études queer elle-même à se solidifier en des discours pré-établies et homogènes - en des discours de politiques de l'identité - l'auteur nous enjoint à casser cette linéarité de l'histoire, cet imaginaire qui n'arrive à voir dans les minorités sexuelles qu'un thelos surchargé par l'héroique et de la victimisation et qui par ce désir archéologique de découverte de ce qui nous a été caché, à son tour - et dans un mouvement pervers - cache l'histoire.
Prenant en exemple le gay et son lien plutôt flou avec le Nazisme, Halberstam interroge notre désir de ne voir dans le mouvement gay que ce qui a resisté a ce dernier dans un but d'homogénéisation de l'identité. Ainsi, et en refusant par là-même de voir dans ce mouvement une identité qui perdure dans le temps, en refusant de poser la question de " ce qu'est/était l'homosexualité " et d'au contraire de se demander " d'à quoi l'homosexualité sert/à servi " (P.157), Halberstam nous encourage plutôt à voir le mouvement gay - et par extension tout mouvement minoritaire - non pas comme une identité, mais bien plutôt comme d' « un ensemble de relations mouvantes entre la politique, l'eros, et le pouvoir » qui ne peuvent être comprises grâce à une simple « relation linéaire entre désir et politiques radicales » (P.162).
Conclusion
La première chose que je souhaiterais dire à propos de ce livre - et avant même d'évoquer son contenu ou même la reception que j'en fait·e - est ma tendance à un certain retard; à un echec de lecture. Comme si prédit par ce livre, je n'ai réussi à comprendre - et surement en surface - la majorité des chapitres qu'en les résumant après-coup; ratant bien souvent de les comprendre dès la première fois.
Au delà de cela cependant, je suis assez déçue avec ce livre car, et bien qu'il articule des idées très interessantes, je n'y ai pas trouvée ce que je pensais y trouver; c'est-à-dire une vision concrete de l'art de rater. Tout comme je suis frustrée par Butler qui dans Trouble dans le genre n'arrive pas selon à articuler suffisement bien une politique de coalition qui ne soit pas juste qu'un mécanisme théorique, je suis frustré·e par la tendance de Halberstam à ne pas chercher forcément plus loin que l'artistique. Car tout en faisant un cas de l'échec, tout en analysant ce en quoi le queer dans l'Art est négatif, masochiste, antisocial; toujours est-el qu'Halberstam reste selon moi dans quelque chose de très théorique et peut-être même d'une pire façon que Butler. Pour toutes les remarques que je peux faire à Butler, iel a au moins réussi à articuler un semblant d'idée, là où, je trouve, Halberstam reste trop dans le domaine artistique. Alors, I get it, c'est un écrit théorique et en ce sens il n'a pas vocation à être militant ou pratique, et effectivement, el m'est venu des idées d'application de son contenu en pratique - et surtout en ce qui concerne la stupidité, le fait d'être résolument bornée - mais pour un livre qui se veut être indiscipliné et anti-académique, je trouve ça dommage de ne pas chercher à appliquer cela de façon plus concrete. Certes Halberstam nous introduit au concept d'oubli comme d'une rupture générationelle ou du masochisme de la passivité comme d'une forme alternative de résitance, mais cela reste majoritairement appliqué au cas de l'art comme je l'ai dite précedemment, et personnellement, j'aurais bien aimée un peu plus de pointers pour voir dans quelles directions aller. Un peu comme Butler, j'en arrive à poser la question de " ok, et ? ".
Par contre, le bouquin reste assez interesant en ce qu'il discute - quoique anachroniquement - avec Vers la normativité queer de Niedergang pour qui le tournant antisocial est plutôt à éviter et qui cherche plus en ce sens à créer des liens, forger des communautés.