Et si nous étions des personnes plutôt que des femmes ou des hommes ? Notre société trie les enfants à la naissance en fonction de leurs organes génitaux et en déduit leur rôle : homme ou femme, dominant ou dominée. Mais la société ne s’arrête pas à cette différenciation arbitraire. Vient ensuite la mise en relation obligatoire : chaque dominée devra vivre en couple avec un dominant. Le tout, paraît-il, pour assurer la reproduction, donc la survie de l’espèce. Mais dans ce cas, pourquoi être obligé de vivre en couple, toute sa vie ? Se reproduire ne prend pas autant de temps… Bien plus qu’une préférence amoureuse ou une nature, l’hétérosexualité n’est-elle pas une contrainte sexiste ? Sortir de l’hétérosexualité est un manifeste pour une société égalitaire qui produit des personnes plutôt que des hommes et des femmes. Pour une société qui repense la manière de faire communauté, d’habiter, d’aimer, de baiser sans sexisme.
Auteurice.s:
Juliet Drouar
Commentaire
Un peu déçue de ce livre.
C'est un livre d'introduction, ça je m'y attendais plus ou moins. C'est un livre de vulgarisation sous un prisme que je qualifierais de hautement matérialiste, et bien que la personne n'utilise jamais ce mot pour s'auto-qualifier. Dans ce livre on apprends que l'hétérosexualité est le backbone du sexisme, et qu'il passe par l'institutionnalisation du désir, du sexe ou même de l'amour. On y apprends que les personnes femmes - pour reprendre son terme - sont sujettes à des charges mentales, que leur travail est invisibilisé et exploité... bref, rien de nouveau sous le soleil. Une petite remarque d'ailleurs très intéressante, l'idée qu'il n'existe pas d'homophobie ou encore de transphobie. Poussant la réflexion jusqu'à sa fin logique, il s'agit pour Drouar d'insister sur le fait que parler de -phobie - et outre le problème linguistique qui fait croire qu'el s'agit d'une peur - sépare. Parler d'homophobie par exemple, c'est exclure les hommes du sexisme et quand bien même ces derniers le vive (au sens premier du terme sex-isme), même si différemment.
Ce bouquin me perturbe cependant car, et bien qu'ayant très raison sur son analyse, il fait un peu - ou en tout cas je pense - ce qu'el ne faudrait pas faire selon moi. C'est-à-dire que ce livre - dont le titre est clair - parle de " Sortir de l'hétérosexualité " mais sans jamais vraiment définir cet au-delà. Alors, certes, el y a bien un dernier chapitre qui pourrait faire office d'horizon et où on voit Drouar exprimer son envie d'être enceint et utilisant ainsi par là-même les gamêtes d'une connaissance; mais outre ce brêve passage qui ressemble d'ailleurs - et selon moi - plus à de l'érotica mal placé qu'autre chose, aucune vision ultérieure, niette. Comme si on pouvait sortir de la matrice courante sans en proposer une autre. Prenant acte de cette pensée de Butler et reprise par Niedergang dans Vers la normativité queer, el faut donc se demander par quoi Drouar souhaite remplacer l'hétérosexualité ? Si on supprime la matrice actuelle - et si on exprime tout supprimer sans rien remettre - par quoi la remplace-t-on dans les faits et si ont considère que les sujets ne peuvent se créer sans norme, sans assujettissement. Or, et c'est ici que ça but, je pense que Drouar fait la part belle à l'idée de société androgyne. Déjà dans la 4e de couverture est el dit.e que l'idée est de créer une société qui " produit des personnes plutôt que des hommes et des femmes " (4e de couv). Et ça, j'ai du mal. Venant d'un background plutôt queer, j'ai beaucoup de mal avec cette idée que l'on pourrait créer une société androgyne, a-genrée, comme si cela n'était pas en soi un système de genre qui tairait son nom. Drouar cite certaines société ayant existées et n'ayant pas de concept de genre, indiquant par ailleurs que ce concept n'est nullement universel. Cette remarque est entendable et pourrait être une critique de la conception Butlerienne de l'identité qui présuppose (au moins localement) que nous ne sommes sujet que parce que nous avons un genre (entre autre chose) [le principe d'assujetissement]. Mais, et que l'on y regarde de plus près, je me demande si cela est vraiment le cas ? Car - et sans vouloir faire du colonialisme - qu'une société n'ait pas de concept de genre est une chose, mais dire en tant que tel que ce n'est pas un système de genre ? Si l'on venait effectivement à produire des personnes et non plus des hommes ou des femmes, ne serions-nous pas en train de créer... un genre neutre ? Pour citer Circlude dans la typographie post-binaire et pour étendre son propos, si
"[le neutre] est réalisé en la faveur du masculin, elle ne choquera [personne]; l'inverse déclenche en revanche des vagues d'indignation. Si l'usage du féminin neutre est si controversé, c'est bien parce qu'il démontre de mon point de vue l'impossibilité de cette prétendue neutralité." (P.27).
Et ainsi, qu'est-ce qui nous permettrais de dire que le neutre neutre devrait échapper à cette critique ? Comment imaginer qu'un neutre neutre ne serait pas imposition de la même manière que le masculin neutre ou le féminin neutre ? En fait, j'ai beaucoup de mal avec l'idée de " sortir du genre " parce que c'est une vision (très matérialiste) qui consiste à croire que faire sauter les catégories d'hommes et de femmes seraient assez. Le problème n'est pas de tendre vers une société plus neutre dans ses manifestations, mais bien plutôt que - et dans le framework actuelle - de croire que passer de l'un à l'autre est souhaitable.
Là ou je pense avoir encore un peu de mal, c'est dans ou me situer au milieu de tout ça. Parce que je partage l'idée matérialiste des hommes et des femmes comme des classes dans une certaine mesure, mais je partage aussi la critique queer de la société androgyne. Je partage l'idée d'une certaine neutr-alisation de la société, mais je me demande ou placer le curseur de sorte à :
1. Ne pas tomber dans une société androgyne
2. Ne pas continuer à perpétuer le sexisme au travers de ces reste