Écrit dans un style alerte, volontiers provocateur, érigeant l'irrespect en principe sociologique, sans érudition mais accompagné de suggestions de lectures ultérieures, cet ouvrage n'a actuellement aucun équivalent en langue française. Il est devenu, depuis sa traduction en 2006, une référence de premier ordre. Plus de cinquante ans après sa parution aux États-Unis, traduit dans de nombreuses langues, ce petit livre d'initiation à la sociologie, devenu un classique, reste le best-seller de son genre. C'est qu'il ne s'agit pas d'un manuel de plus, présentant la liste des objets, auteurs, doctrines, méthodes de la discipline, mais bien d'une invitation à en saisir l'esprit, la spécificité intellectuelle, ce qui en fait un regard particulier sur le monde, un éclairage de l'humaine condition. C'est à une conversion intellectuelle, à partager ce qu'il vit comme une vocation, qu'invite Peter Berger. Inscrite dans la tradition de la sociologie européenne, cette vision personnelle de la discipline le conduit à en présenter et articuler de manière originale les principales orientations. Tout en respectant la lettre, la traduction cherche à rendre la qualité littéraire, la vivacité, l'humour et le sens de la provocation qui expliquent aussi le succès de ce livre. Elle éclaire le lecteur du XXIe siècle par les compléments d'une préface et d'une postface de l'auteur, d'une introduction présentant Peter Berger et de quelques notes pour éclairer des allusions ou actualiser les renvois bibliographiques.

Auteurice.s:

Peter Ludwig Berger

  • Sociologie
  • Commentaire

    C'est pas dans ce bouquin qu'on va entrer dans les détails de ce qu'est la sociologie, mais il a l'interet de mettre  en relief deux visions sociologiques bien disctinctes. Le livre sépare la version durkheimenne et weberienne; la première portant l'accent sur la rigidité des institutions et leur objectivité, le second sur la puissance d'agir des humain.es qui les compose.

    Durkheim a cette vision de la société comme inflexible, comme purement objective et exterieure. En ce sens, il y a un certain determinisme que berger fait d'ailleurs très bien ressortir. Par plusieurs fois, je me suis irritée à la description qu'il faisait de la société comme implacable, totalement coercitive, et de sa comparaison à une prison. De l'autre côté weber, porte l'accent sur une certaine liberté, sur le fait que la société ce n'est pas qu'un ensemble objectif et exterieur, mais aussi de multiples parties subjectives et internes. Et ces deux positions sont plus ou moins rassemblées dans les deux théories suivantes : des rôles et de la connaissance. La première indique que nos rôles sociaux sont conférés et transformés par la société (il s'agit d'un théatre de marionnettes), alors que la seconde parle plutôt de ce que l'on pourrait parler, dans un autre contexte, de l'epistemologie du point de vue : qui dit cela, qui parle, qui énonce.

    Sand forcement rassembler ces deux théories, on en vient donc à la vision suivante : La société à beau être objective et implacable, tout d'abord, nous ne le ressentons pas ainsi, mais, et surtout, nous avons un pouvoir d'agir sur elle. La société nous créer, on l'interiorise, mais nous la créeons en retour. Et d'ailleurs, berger met en avant quelques moyens dont on dispose pour pouvoir la modifier.

    Si ce dernier paragraphe vous parait famillier si vous m'avez déjà lue, c'est normal. Et c'est ce que je disais plus haut. Je suis très étonnée que ce texte fut écrit en 63'. Il y a de nombreux passages que butler ou foucault auraient pu écrire (et sans leur enlever leurs innovations, et toute proportion gardée; on est en 63', le concept de genre vient à peine d'être pensé). On parle souvent dans ce livre de construction de la réalité, de construction des identités même (et on critique la psyca XD), et ça donne de bonnes references sociologiques pour pouvoir appuyer la facticité des identités outre le point de vue philosophique ou même psycanalitique. On a d'ailleurs même un concept de situation qui m'a fait très fort penser à celui de de beauvoir.

    Outre toute cette partie plus scientifique, l'auteur fait d'ailleurs aussi un rapide détour par la philosophie. En effet, il met en vis-à-vis liberté et causalité (logique me direz-vous). Selon lui, el est impossible de les avoirs dans un même système. On ne peut pas chercher la liberté par un ensemble de relations causales. Un système scientifique est voué à forclure la notion de liberté. Ainsi, dans un système scientifique sociologique, ce n'est pas la dedans que l'on pourra trouver une pure liberté.

    C'est pourquoi il passe à la philosophie, et plus particulièrement à l'existenstialisme pour revisiter son point de vue sociologique, et mettre en avant deux concepts important de ce courant : la mauvaise foie de sartre (on a toujours le choix) et das man de heidegger (l'abstraction du « on » comme inauthentique, genre « on doit faire X »). Ce point de vue moins scientifique lui permet de mettre en relief le point soulevé plus haut et la contradiction fondamentale : En embrassant la liberté, on forgo la causalité, et ainsi, tant la société que les humain.es qui la composent sont les causes et conséquences les un.es des autres.

    Alors bien sûr, j'ai passée outre de nombreux concepts. Je parlais de situation, mais on a aussi l'ex-stase, les personas, les castes, ou encore ce qu'il appelle la reversibilité biographique (très interessant aussi, l'idée selon laquelle, de plus en plus on peut réinterpréter son passé à l'aube d'un nouveau système auquel on adhère ~~transitude, ahem, ahem~~ et qu'on peut, plus que jamais peut-être, changer plutôt facilement de système de pensée).