Pour Le Corps lesbien j’étais face à la nécessité d’écrire un livre entièrement lesbien dans sa thématique, son vocabulaire et sa texture, un livre lesbien du début à la fin, de la première à la quatrième de couverture. Je me trouvais par conséquent devant une double béance : celle de la page blanche que doivent affronter tous les écrivains lorsqu’ils commencent un livre, et une autre de nature différente : il n’existait aucun livre de ce genre. Jamais je n’ai relevé un défi aussi radical. Pouvais-je tenter cela ? En étais-je seulement capable ? Et quel serait alors ce livre ? J’ai gardé le manuscrit six mois dans un tiroir avant de le donner à mon éditeur.
Auteurice.s:
Monique Wittig
Commentaire
Un bouquin que j’ai dans un premier temps trouvée des plus étranges. C’est un livre qui alterne avec une fréquence assez importante entre le carrément gore et le carrément mignon. Mais, et après avoir lu ce que Butler en avait à dire, cela m’a fait porter un regarde nouveau sur l’oeuvre. Un regard selon lequel Wittig utilise de son œuvre et de ses descriptions anatomoiques détaillées pour déconstruire la sexualité. En effet, dans le régime hétérosexuel, la sexualité et les personnes sont vues comme un tout, et paradoxallement, au travers d’une spécificité : les organes génitaux. Dit autrement, la sexualité ne passe que par ces derniers, ce qui les rends hyper-spécifiques, mais aussi hyper-généraux. Ainsi, et à contrario de cette vision, une interprétation que l’on peut faire du corps lesbien est de vouloir redéfinir ce qu’est le corps de la lesbienne, de redefinir ce qu’est sa sexualité. Passant par une hyperbole – qui s’interessera, ni même pourra accéder, au duodenum (une partie de l’intestin) lors d’un rapport – el s’agit pour Wittig de mettre en lumière le fait que les zones érogènes sont bien plus nombreuses et multiples que ce que l’on pourrait nous faire croire, et que même au-delà des zones auquelles ont fait moins attentions (seins, oreilles etc.), c’est en réalité tout un champ de possible qui s’offre à nous. Chère à son projet lingusitique, Wittig s’attache aussi – et comme dans nombre de ses romans d’ailleurs – à experimenter avec la langue; à s’essayer à de nouvelles formes de pronoms personnels tels que j/e ou m/on.