Écoféminisme : le mot, longtemps peu connu en France, suscite désormais un grand intérêt. Il fait également l'objet de critiques. Des féministes s'inquiètent d'un amalgame des femmes et de la nature, et du risque d'essentialisme qu'il comporte. Des écologistes ne voient pas pourquoi les femmes seraient plus portées à s'occuper d'une écologie qui est l'affaire de tous. On peut parler d'écoféminisme là où se rencontrent luttes écologiques et luttes des femmes, un peu partout dans le monde. Ces mouvements sont tellement divers qu'il est impossible de leur attribuer une doctrine unique. Mais ils ne sont pas le fruit du hasard : ils répondent à la double oppression qui frappe les femmes et la nature. Enquêter sur ces mouvements conduit à étudier le cadre culturel et historique de cette double oppression. Les trois domaines concernés sont la nature, le social et la politique. Faire d'une association positive des femmes à la nature un objet de revendication et de lutte politique est au cœur de toutes les formes d'écoféminisme.
Auteurice.s:
Catherine Larrère
Commentaire
Comme tout le monde je pense, je suis partie dans cette lecture avec l'apriori de l'essentialime : l'écoféminisme, c'est un rattachement des femmes à la Nature. Loins de n'être que cela, il s'agira tout de même pour moi de nuancer mon acceptation.
Mais avant de commencer plus avant dans cette direction, rappelons que ce livre n'est qu'une introduction. En ce sens, ce livre est bien plutôt un ensemble de pistes qu'il resterait à creuser. On peut citer à titre d'exemple la section sur la mise en commun, la non-violence et le pouvoir-du-dedans - comparé a une toile d'araignée, horizontale - ce qui n'est pas sans rappeler Butler et sa vision de la non-violence, ou encore, et on y vient, la non-essentialisation. Une partie non negligeable de ce livre (un chapitre entier) est consacré à une contre-argumentation de l'essentialisation de l'écoféminisme. L'autrice nous rappellant ainsi que,
“ l'accusation d'essentialisme présuppose que l'écoféminisme soit envisagé comme une doctrine ” (P.4)
Outre le fait que l'on pourrait se demander en quoi cela est une réponse apropriée (à priori, qu'il y est des divergences dans les mouvements, n'en enlève pas moins un caractère essentialiste potentiel), le livre arrive cependant à se défaire d'une vision naturalisante. En effet, à la page 65 l'autrice énonce en effet que,
“ En liant exclusivement les femmes et la terre, l'analogie enferme les femmes dans leur rôles de mère [...] et exclut les hommes de cet attachement, jusqu'à l'identification des femmes a la terre. [...] Échapper au dualisme, se réapproprier une analogie sans se laisser entrainer dans l'essentialisation, c'est admettre que la terre est génératrice de toute l'humanité, qu'hommes et femmes sont à égalité dans la relation à la terre. ”
Cette dernière nous defends donc de ne rattacher que les femmes à la nature, comme si elles y avaient une affinité profonde. Cette dernière va d'ailleurs même jusqu'à citer Butler,
Quelque soit la diversité des positions adoptées [...], non seulement l'identité de genre n'est en rien naturelle, mais, pour certaines, comme Judith Butler, le sexe biologique est lui aussi construit par l'identité de genre [...] Qu'il s'agisse des femmes, ou de tout autre objet, la dénaturalisation est un préalable de leur etude par les sciences sociales. [...] Antropologues, sociologues, féministes, ecofeministes : toutes font une critique de la naturalisation [...] (P.49-50)
Et pour enteriner son argumentation, enfoncer le clou, cette dernière cite les personnes [TPBG] lorsqu'elle énonce que,
“ [...] le reclaim ne vise nullement a réinstaller une féminité eternelle, l'importance que jouent les sexualités minoritaires, LGBTQI+ dans ces mouvements le montre. [...] Des femmes lesbiennes se regroupent pour vivre en communauté agraires dans l'Oregon […] ” (P.54)
Mais pourtant cette argumentation peine a me convaincre, me laisse sur ma faim. J'ai déjà évoquée le fait que la multiplicité d'un mouvement n'est - selon moi - pas un contre-argument à une certaine tendance de ce mouvement : Tout comme on peut accuser le queer d'être anti-normatif bien qu'il y ait des pratiques divers. Mais outre cela, plusieurs points me dérangent. Je suis parfaitement d'accord que ce livre est une introduction à l'écoféminisme et qu'en tant que tel, il n'a pas vocation a n'être qu'une contre-critique aux critiques. Cependant, il me semble que plusieurs points sont flous. L'exemple des personnes TPBG est celui de femmes lesbiennes - à priori - cis. On voit donc mal en quoi cela participe à la dénaturalisation evoquée plus haut. De la même manière - et peut-être suis-je trop exigente - les personnes TPBG ne sont évoquées que deux fois dans l'ouvrage et jamais n'y est-il fait mention de personnes trans. On se retrouve donc avec un dé-essentialisme, certes, mais qui ne semble que s'appliquer aux personnes cis (Cf. plus la citation sur la nature et l'humanité); laissant par la même les personnes trans dans leur AGAB. Il est bien beau de citer Butler, et peut-être est-ce là dans une volonté de montrer une certaine acceptation; toujours est il que la formulation n'est pas des plus convaincantes. Autant dire que, pour quelqu'un de convaincue de la nécessité d'abolir le genre (EDIT : lol) et de la non-naturalité du sexe, je suis déçue, bien que je reconaisse - comme j'ai plus le dire plus haut - qu'il ne s'agit pas là du seul objectif de ce livre. Seulement m'attendais-je peut-être a des developpements plus concrets autour de la question; et pourrait-on même dire que l'absence de spécification sur le sujet est en elle-même révélatrice (et je n'ai pas parlée de la citation de Héritier).
Outre cela, le livre reste tout de même très interessant dans de nombreux points qu'il aborde. Je trouve la vision de Starhawk très interessante - surtout concernant la non-violence - sur quelques points qu'elle aborde (je ne suis, après tout, pas croyante, et que cela concerne les religions "mainstream" ou le paganisme) et je suis aussi intéressée par la critique des dualismes de Plumwood. De façon surprenante, quoique pas tant que cela, je noterais aussi la mention d'un auteur "ecosocialiste", Murray Bookchin, qui m'interesse tout particulièrement en ce qu'il a elaboré une vision de " l'éco-anarchisme " qui me semble être un apprfondissement, sous certains angles, du manifeste de l'UCL (il a écrit son livre avant si je me gourre pas) et qui pourrait aller dans le sens que j'avais moi-même tentée d'esquisser lors de mon envie de concrétisation de ce même manifeste. Non a dire que cela sera la même chose; mais qu'en tout cas, cela m'intrigue.